1996 – Sur les Cendres
Le 2 janvier
1996
[Lettre de vœux, gravure représentant
Gargantua avec cette inscription : Après les ripailles... Tous mes vœux pour
1996]
Chère Sandre,
Vieux souvenirs de correspondance qui
resurgissent.
Très heureuse année à toi.
Au plaisir de te lire.
************
Lundi 8 janvier
Ce matin, à 8h30, François
Mitterrand est mort des suites de son cancer de la
prostate. Il est évident que son empreinte dans l’histoire politique mondiale
de la seconde moitié du vingtième siècle sera durable. Il appartenait à cette
rare catégorie des véritables hommes d’Etat. Le parcours politique de
Mitterrand est des plus complexes et des plus étonnants.
************
Paris, le 18 janvier 1996
Chère Sandre,
Ravi que tu m'aies répondu, et que tu sois
libre, hé hé ! J'aurais voulu te téléphoner, mais tu dois être en liste
rouge, car aucune trace sur Minitel.
Ce que je deviens, depuis tout ce temps,
vaste programme... Après avoir, par intermittences, poursuivi mes études de
droit, je me suis inscrit cette année directement en maîtrise de lettres
modernes à la Sorbonne nouvelle (Paris III). Je prépare un
mémoire sur L’aristocratisme libertaire
chez Bloy, Léautaud et Heïm, le dernier étant mon père de cœur. Un sujet qui me
galvanise, tu t'en doutes.
Côté professionnel, toujours plongé dans le
monde de l'édition, comme attaché de direction, je lance des projets éditoriaux
et les bichonne jusqu'à leur sortie... Faisant préfacer mes exhumations par des
personnalités locales, régionales ou nationales, je commence à me tisser quelques
intéressantes relations.
L'écriture reste essentielle... Je poursuis
la rédaction de mon Journal (j'ai commencé mon cinquième gros cahier) et
prépare la publication épurée du premier
tome que j'intitulerais probablement Au
festin des infâmes.
Voilà en bref les nouvelles. Côté cœur, rien
de bien marquant depuis fin 1993. Trop méfiant, trop difficile peut-être...
Surtout, si tu viens à Paris, préviens-moi, que l'on se voit. Sinon, je pourrais moi descendre cet
été.
Je serais enchanté de poursuivre cette
relation épistolaire. [...]
Au grand plaisir de te lire, je t'embrasse.
************
Paris, le 29 janvier 1996
Pétillante Sandre,
Je te propose une trêve dans l'écriture
illisible : moi avec mes arabesques, et toi avec tes rondeurs entremêlées.
Me voilà donc renouant avec l'écriture typographique.
Je crois avoir bien retenu la composition de
ton harem masculin. Je vais devoir bousculer quelques galants pour m’agripper
au piédestal de prétendant. L'âme chevaleresque, fustigeur des pantouflards, galvanisé par l'impondérable, pétri de
générosité, mon gros cœur rouge de ses eaux battantes je me propose, hé
hé !, dans ma simplicité.
Avec un chouïa de sérieux, la pâleur nacrée
de ta silhouette et l'élancement racé de ton maintien te rapprochent bien plus
que tu sembles l'envisager de la princesse à adorer, et à épouser bien
sûr !
Ceci comme un conseil à l'élu qui te chérira.
Pour ma pomme : j'adore toujours mon
père de cœur (je t'enverrai la copie d'un article avec photos paru récemment
dans un grand quotidien régional), nous avons un nouveau château bien à nous,
l’une de mes deux sœurs de cœur nous a trahi et est comme morte pour moi. Je
vogue toujours entre nos terres millénaires et le bouillonnement parisien.
Atla, atla, je scribouille depuis la
somptueuse bibliothèque nationale et je dois m'éclipser.
Au grand plaisir de te relire. Attentivement
tiens.
************
Château d'Au.,
le 9 février 1996
Très chère Sandre,
Je doute que tu reçoives ma missive avant
d'aller goûter la poudreuse.
Je reste donc brumeux dans mes réponses à tes
interrogations, à moins que je ne les élude inconsciemment... Comme je tiens
avant toute chose à la transparence de nos rapports, je vais les reprendre une
à une. [...]
Rigueur, intégrité, loyauté... je me lance.
[C’est
ton histoire que tu mets en page ?]
Là je reste bouche bée. Serais-je aussi
délirant pour me laisser aller à inventer ma propre vie ? A moins que tu
fasses allusion au Journal que je tiens depuis 1991. Seule méthode
trouvée pour conserver un lien avec l'écriture, et témoignage d'un jeune homme
ayant vécu quelques singularités. Je néglige depuis quelques mois la tenue de
ce Journal, mais, grâce à toi, me
voilà réconcilié avec le genre épistolaire. Ne serait-ce que pour cela, tous
mes remerciements.
[Méfiant ?]
Très certainement. La nature humaine est en
majorité source de désillusions et de chagrins. Ma dernière grande histoire
d'amour s'est achevée sur mon initiative à la fin 1993 ; depuis, de
l'éphémère par volonté... et méfiance. Les belles filles pullulent, ce n'est pas
là la difficulté. L'alliance d'une plastique physique et d'un fond enchanteur
est beaucoup plus rare. Plus je regarde la photo, plus je suis confirmé dans
mon penchant pour toi. Voilà tout. Sincérité, au risque de la muflerie.
[Tu vis
seul à Paris ?]
La capitale est un lieu de passage pour moi
et je ne suis bien évidemment pas en ménage. Mais mon amour de la vie reste
intact, et ma volonté de construire renforcée.
[Il te
reste donc une sœur. Tu m’avais jadis parlé de quelqu’un avec tendresse,
serait-ce elle ?]
Il est possible que celle dont j'avais dit
grand bien soit justement celle qui a trahi... Encore une plaie au cœur et une
atrocité pour l'âme...
[Dans
ta jolie bn, il doit bien y avoir des manuscrits
du Moyen Age, non ? Pourquoi y vas-tu ?]
La bibliothèque nationale possède un fonds
ancien qui remonte à l'époque des parchemins. Quand tu feras un passage à Paris, je serais ravi de t'emmener dans cette antre magnifique. Je m'y rends
très fréquemment pour mes recherches éditoriales. La collection Monographies des villes et villages de
France, à laquelle je participe,
nécessite des recherches de documents anciens.
[Tu as tant
d’écus dans ta cassette pour pouvoir aller de château en château ?]
En fait ce d’un château l’autre correspond à un déménagement au château d'Au, propriété familiale définitive. Je te joins un petit livret que nous
avions édité il y a deux ans à l'occasion des journées du patrimoine. Ainsi tu pourras juger de
mon attachement à ce lieu... millénaire.
[...]
Ta révolte m'est douce Sandre, ta fraîcheur est un enchantement...
Je suis ton très attentif obligé.
************
Château d'Au.,
le 9 février 1996
Très chère Nadette,
C’est avec un très vif plaisir que j’ai
appris que vous étiez encore vivante... merci pour votre délicieux courrier.
Si c’est pour le bonheur de l’union que vous
avez disparu quelques temps, c’est on ne peut plus pardonnable, et bravo !
Vous m’aviez un peu confié, avec une confiance touchante, vos terreurs en cours
de révélation.
La page se tourne et de merveilleuse manière.
Je grave donc d’une pierre blanche la date de la fête nationale ce qui, pour
moi, est un acte pour le moins inhabituel, hé hé ! Quant à être votre
témoin : ce sera bien évidemment un plaisir et un honneur. [...]
Très attentivement, et avec toutes mes amitiés.
************
Dans le train
Paris-Laon, le 19 février 1996
Ma très chère Sandre,
[...]
[Je ne
comprends rien à tes histoires de famille, qui est qui ?]
J'ai un père et une mère de sang qui ont chacun refait leur
vie de leur côté. J'ai deux frères de sang (moi étant l'aîné) et un demi-frère
tout récemment issu du côté père. A l'âge de 18-19 ans, mes parents ont
rencontré Heïmerth, leur aîné de
deux-trois ans qui dirigeait alors un groupement poétique très important. Ils
se sont liés d'amitié, et j'ai passé de nombreuses vacances dans ses châteaux
successifs, puis j'y ai habité de 8 à 11 ou 12 ans. Là-bas, des enfants de mon
âge que je considère comme frères et sœur de cœur si tu veux... Voilà.
[Pourquoi
une telle « atrocité pour l’âme » ?]
C'était un effet de style pour évoquer les
mauvais coups dans la gu... que l'on chope... pour l'instant au sens figuré.
[...] Je présume que tu n'es pas très loin de
Lyon, si mes intuitions watsonniennes
sont bonnes. Je suis invité les 13 et 14 juillet prochain dans la capitale des
Gaules comme témoin de la mariée, une
amie de longue date. Me ferais-tu l'honneur, l'amitié et le plaisir de me consacrer
ces deux jours ?
[De
quel signe es-tu ?]
Balance ascendant lion...
Toujours très matérialiste, je ne serai de
retour à Paris que samedi prochain. Je ne voudrais pas être
privé de ta lecture pour cela. En fonction des dates, tu peux envoyer ton
courrier au château, comme indiqué sur l'en-tête.
A bientôt, et au vif plaisir d'avoir de tes
nouvelles. Ton attentif.
************
Château d'Au.,
le 28.02.96
Chère amie Sandre,
Tout de go, de retour à Paris, je dévore tes lignes échevelées et j'm'en vas répondre à tes
angoissantes questions. [...]
[Quels
sont tes poètes préférés ?]
Avant la publication de mon recueil de
poésies, à 17 ans, je m'étais interdit de lire tout poète pour éviter une
influence directe. Sitôt le travail achevé je me suis jeté sur quelques
auteurs, et quelques bonnes rencontres
ont suivi : Paul Verlaine, Jacques Prévert, Lautréamont et surtout Antonin Artaud et son Ombilic des limbes, une merveille d'atrocités
poétiques, de la pensée pure couchée sur le papier, de l'écriture organique...
Voilà ma belle.
[Où
sors-tu dans la capitale ?]
Bof, bof. Pas très consistantes mes sorties,
en fait. Quelques cinémas, quelques restaurants, une boîte de nuit pour y
écrire, et c'est à peu près tout. Lutèce ne m'a pas encore livré tous ses
secrets. [...]
[Es-tu
déjà allé en Grèce ?]
J’y suis passé il y a quelques années lors
d'un périple européen : la côte de l'Adriatique et dans une île, Samos je crois. Quelques souvenirs épars.
[Je ne
me souviens plus de ta voix ?]
Le timbre de mes cordes est grave et
chaleureux. J'espère te bercer bientôt le conduit auditif.
[Qu’as-tu
donc envie de construire ?]
Envie constante et multiforme. Construire une
beauté de vie est peut-être la synthèse. Trouver son alter ego est la
condition.
[Fais-tu
lire ton journal ?]
Actuellement il n'a été lu, en partie, que
par deux ou trois personnes très proches ; mais je ne vais pas m'adonner
au culte du secret puisque l'objectif est qu'il paraisse. Alors pas de fausse
timidité. Toutefois, certains éléments devront attendre avant d'être imprimés.
[Quelles
sont donc ces « singularités » ?]
J’ai dû faire allusion à cette enfance un peu
hors du commun que j'ai eue. Mais je reste là un peu brumeux, désolé. On trouve
toujours plus singulier que soi...
[Qu’est-ce
donc qu’un « fond enchanteur » ?]
C'est une personnalité qui a de l'allant et
une capacité au renouvellement. C'est bien évidemment hautement subjectif, donc
très facilement contestable. En fait, un peu confus ce que je t'ai défini. Dans
la sauce jusqu'au cou... Enchante-moi, alors !
[Quelle
est ta définition de la muflerie ?]
C'est d'être odieux involontairement, un Dom
Juan ou un Casanova en sabots. En fait c'est très
varié. Un exemple ? Avec le nez aussi droit que tu as, tes lunettes doivent
bien tenir !!! Ignoble non ? Un gros bisou pour me faire pardonner.
[Un
garçon comme toi doit être sollicité, non ?]
Je ne me mets pas en disposition pour cela,
et je n'ai pas de fan-club. Je ne me plains pas pour autant, mais je reste en
réserve. Pour les accointances, en revanche, il y a abondance...
[As-tu
beaucoup d’amis ?]
En dehors de cette famille affinitaire, qui rassemble mes plus sûrs amis, j'ai de très
bonnes relations féminines. Mes plus grandes amies sont déjà en quasi-ménage,
et je n'ai pas de penchant destructeur, donc pas de danger. Elles sont
diverses, mais beaucoup viennent du monde juridique (études partagées...).
[Es-tu
du genre évanescent ?]
Heu... je ne crois pas que ce soit l'adjectif
le plus approprié... Certes un peu lunatique, mais très réaliste et le
contraire d'effacé. L'évanescence est une typologie féminine plutôt. [...]
[Es-tu
déjà venu à Lyon ?]
Oui, j'y ai déjà fait quelques virées.
[Tu vis
dans si peu de m2 que moi ?]
Mon pied-à-terre à Paris s'assimile en effet au mouchoir
de poche, mais fonctionnel.
Bien aimé ton passage sur les mollusques à la
queue flasque... Toi tu es plus proche de la bourrasque enivrante même en
bavant.
[Qu’aimes-tu
dans l’histoire (époque et personnages) ?]
Le Moyen Age et son mode seigneurial,
certains chefs chouans, etc. je pourrais te développer ce plan une prochaine
fois.
Je m'attarde, je m'attarde, mais c'est pour
épuiser la flopée de questions. [...]
[Quel
âge a la mariée ?]
Elle doit avoir autour de 30 ans, charmante
jeune femme... Ce que je voudrais, pendant ce séjour, c'est que tu sois comme
mon invitée et que tu m'accompagnes partout où l'on ira comme une amie... Sinon
je me dégagerai des zones de disponibilité.
A très bientôt sur feuilles, et intensifions
notre complicité jusqu'à plus soif. Tendrement.
************
Vendredi 8
mars
Essai de reprise de ce Journal délaissé depuis tant de temps. Les notes
seront rapides, dégraissées de toutes fioritures inutiles. Une sorte de carnet
de bord existentiel pour que des repères restent inscrits.
Au château, l’activité n’est
pas brillante. Nous sommes une nouvelle fois au bord du gouffre. Notre manque
d’ardeur, notre irresponsabilité, nos manquements risquent à nouveau de nous
coûter très cher. Heïm, désespéré par notre
immaturité, ne va pas bien du tout. Un jour sur deux un repas-catharsis. A la fin mars, la sentence tombera.
Je sors d’une mononucléose
infectieuse, ou maladie des étudiants,
chopée je ne sais où, dans je ne sais quelle donzelle... Une semaine de combat
organique et un épuisement sans pareil.
J’ai commencé la rédaction
de mon mémoire.
Il me faudra être un peu plus
attractif lors des prochaines notations.
************
Paris, le 9 mars 1996
Sandre, douce amie,
Au sortir de notre conversation, une petite
amertume de n'avoir pu être à tes côtés pour t'insuffler la douceur dont tu avais
besoin.
Ta lettre virevolte dans tous les sens, avec
pour moi quelques graphies incompréhensibles. Je suis privé de certaines
subtilités, et certaines de tes questions (j'ai reconnu le signe interrogatif)
me sont inaccessibles. Il faudrait presque que tu gardes des copies pour me
faire la lecture... hé !
[Tu
écris dans une boîte de nuit, ce n’est pas fait pour ça à l’origine, non ?]
L'objet de cette écriture dans les
culs-de-basse-fosse à décibels était à l'origine la mise en perspective de ce
monde nocturne de la décontraction superficielle avec certains événements
graves de l'actualité.
Le fil de rasoir sur lequel tu te trimballes
est posé à terre. Ta détresse profonde est touchante, mais je ne veux pas aller
dans ton sens. Il me faut être un peu rude pour espérer t'apporter quelque
aide. Hurler avec des loups affamés n’a jamais rempli leur estomac. Tu es une
louve jouant de presque tout, mais fondamentalement désespérée.
Le désespoir constructeur, voilà ce que peut
t'apporter la transcendance de la misère humaine.
Je tiens à ta renaissance. Ton ami attentif.
************
Château d'Au.,
le 14 mars 1996
Sandre très chère (varions un
peu !),
Sitôt le combiné raccroché, je me mets à la
plume. Elle ne s'attardera pas pour cette fois, car la littérature que je t'ai
imprimée ne peut pas attendre :
- Trois textes écrits en boîte,
- Deux chroniques télématiques sur la Guerre
du Golfe.
Très touché par tes deux derniers courriers,
beaucoup plus impliqués. Je ne manquerai pas d'approfondir mon sentiment par
une prochaine lettre.
Mais là, atla, atla !
Avec toute mon affection.
************
Train corail Laon-Paris, le 15 mars 1996
Amie Sandre,
Ton désir de venir à Paris avant l'été est une excellente
idée. Pour le logement, je tente un contact. Me promener en ta compagnie dans
les travées de la cathédralesque
Notre-Dame ne peut que m'enchanter.
[Je
vais aller voir L'Armée des 12 singes, je ne sais si je vais accrocher.]
Ce film est une belle réussite ! Un
Bruce Willis à couper le souffle dans sa performance, un
scénario bien agencé, même si la complexité entame parfois l'efficacité de
l'action.
[Les
« mollusques » sont des personnes avec lesquelles on ne peut pas tout
aborder, ils sont frustrants. Si nous sommes face à face, j’aurais l’occasion
de t’en dire davantage, à moins d’être totalement inhibée face à toi.]
Pourquoi, diable, cette crainte ? Je ne
mange jamais les jolies jeunes filles (ou femmes) sauf pour leur donner du
plaisir, hé ! Aucune raison de passer d'une décontraction épistolaire,
d'un pétillement téléphonique à un coincement maladif... Je n'y crois pas.
Notre complicité croît au fil des lettres.
[« I love Paris in the springtime... ». Elle chante vraiment bien.]
Tu aimes notre capitale... moi non plus comme
le chanterait Gainsbourg. Certes Big Lutèce forme une concentration
extraordinaire de l'univers humain, mais cette tendance à l'entassement
excessif, signe de notre toujours persistante nature grégaire, ne favorise pas
la qualité individuelle.
[La
musique, c’est bien quelque chose qui m’apaise, comme l’océan.]
La musique constitue un art essentiel dans
mon existence. Pas un jour de l'année où je n'écoute du tsoin tsoin en tous
genres (funk, soul, new jack, jazz, blues, rock, reggae, rap, etc...). Je ne
pratique aucun instrument, à mon grand regret, ayant été, petiot, dégoûté par
un jobard de professeur dans son enseignement à la con du solfège. Depuis,
hormis tapoter maladroitement les touches d'un piano, ou faire un peu de trompette buccale (une spécialité) je ne
joue que de ma voix, avec une certaine jubilation.
[jp n’a pas ton esprit, il est moins
vif, plus terrien...]
Merci pour le gentil compliment de ma
vivacité et de mon aérienneté (oh
l'affreux néologisme !). Je t'invite à danser le slow que tu veux quand tu
veux ma douce ! On se place comme on peut, non ?
[Une
nuit avec peu de rêve. Deux chambre d’hôtel : le 519 ; j’étais avec
mad, et le 551 à côté (?) où il y avait Fab. Vue sur mer. Une piscine
immense avec cinq personnes dans un coin, pourquoi cinq ? Un type tue deux
filles sur une route de campagne. Ça ne tient pas debout... Je dois être torturée
du bulbe !!!]
Ton rêve n'est pas si déjanté que cela. Un
peu violent, mais ta nature reste imperturbable face à quelques corps écharpés,
non ? A la fin de l’adolescence, un de mes songes a constitué la base
d’écriture du plus long et du plus violent poème que j'avais dû t'envoyer, L’éon et sa lie pure. Là encore, même dans
l'atroce, on se rejoint.
La constante tourmente de ton esprit rejoint
une sensibilité exacerbée. Réserve ta richesse intérieure aux êtres qui valent.
Tu as la capacité de jouer de ton apparence... c'est ta puissance.
[Je
suis sur cette planète à cause d’un accident ou d’un incident de parcours...]
Chienne de naissance, rapports aux parents
terribles, perdue entre une ombre de père et une impardonnable marâtre. Tu n'es
pas gâtée. L'influence de ce sombre tableau sur ton rapport aux hommes, un
premier amour raté, et peut-être même une défloration de cochon. L'avantage est
d'avoir créé une méfiance salvatrice...
Laisser les noirceurs de la vie, les crasseux
et les médiocres de tous poils, et rejaillir comme une Eve vénusienne... un bon programme
pour toi, si l'Adam est à la hauteur.
[J’aurais
bien aimé avoir un grand frère.]
Si je ne peux être ton galant, je serais
honoré de m'incarner en grand frère pour toi, celui à qui tu demanderas d'être
son premier témoin à ton mariage. Et là, au moins, frère et sœur ce sera pour
la vie !
[J’ai
souvent rêvé d’être avec un écrivain, tout sauf un médecin. (...) Mon chat dort
sur ma robe, il ne se tracasse pas lui.]
Ton rapprochement du matou et de l'écrivain
me suggère, évidemment, la figure de Léautaud sur qui je travaille pour mon
mémoire. Il accueillit jusqu'à vingt chiens et trente chats en même temps...
Vivre avec un écrivain, un de tes désirs
profonds ? Je ne relèverai pas... hé hé !
[Pourquoi
cette peur du sang ?]
J'ai peut-être un peu trop joué le douillet
mental avec toi : la vue du sang, des tripes et de la sanie ne me fait pas
systématiquement défaillir, mais il est vrai que je ne pourrais pas vivre mes
journées dans l'atmosphère hospitalière. [...]
[Ton
père a fait beaucoup de dettes pour acheter cette grande demeure ?]
Le château a été acquis par le biais d'une sci dont je suis l'un des associés... ce
n'est pas un achat en nom personnel. Une partie cash, et l'autre par le biais
d'un prêt...
[Ne te
sens-tu pas isolé ?]
Point de sentiment d'isolement dans cette
seigneurie, car je reviens toutes les semaines à Paris. Cet équilibre entre la féodalité et mon petit pied-à-terre parisien
me convient. 230 habitants à Au, un peu plus à Paris...
[Vous
avez des domestiques comme tout châtelain qui se respecte ?]
Un jardinier-homme à tout faire, une femme
d'entretien et deux ouvriers.
[Ton
amie lyonnaise est de quel quartier ? Ça sera clean comme
réception ?]
La future mariée réside Cours de la Liberté et je présume que la réception
aura tout le charme nécessaire : ni trop guindé, ni trop débraillé.
[Tu
sais comment tu vas être habillé, sans faire de l’ombre au marié ?]
Ma « vêture » pour le grand jour
n'est pas encore tout à fait au point, mais mon penchant séducteur ne me fera
pas manquer le coche. De là à détrôner le marié... hé !
Un mystère : pourquoi ton clip-clap ou
clap-clip, selon le sens, ne peut nous accueillir tous les deux : exiguïté
du matériel ou crainte de la demoiselle ?
[L’été,
tu te partages entre Laon et Pézénas ?]
Cet été, rien n'est défini. Mes
allers-retours se feront plutôt entre Paris et Au, avec un voyage dans le sud.
Je te joins, comme promis, l'introduction non
achevée de mon mémoire. Je ne suis pas qu'un fanfaron de la plume.
A te lire, attentivement tiens.
************
Lundi 18 mars
Minuit dépassé, dans
quelques heures une nouvelle semaine pour se battre sur tous les fronts.
Reprise de contact, la
semaine dernière, avec Madeleine Chapsal. Tout va bien. Je devrais participer au Salon du livre de Limoges fin avril. Peut-être y retrouverais-je
Sandre R., délicieuse et pétillante
jeune fille avec qui j’entretiens une correspondance fournie.
************
Paris, le 24 mars 1996
Sandre la terrible,
« Mon petit Loïc » dis-tu ?
J'adapte donc mon support à ta perception affective [choix de feuilles au format A5]. A nouveau la plume dressée pour
répondre à 95 % de tes interrogations, soigneusement notées. Les 5 %
restant se composent de l'illisible ou de « fausses » questions.
[Si je
vois une bague mieux que celle de la place Vendôme, je te le dis, c’est
promis. Un châtelain qui ne peut pas se permettre cette folie, c’est un avare
ou un riche plein de dettes ?]
Le châtelain de Crauze n'a pas encore son aisance financière,
je l'avoue volontiers. S'il le faut, j'irais casser de la caillasse pour te
l'offrir cette bague. Voilà ce que déclarerait un chevalier courtois.
[Tu
connais des étudiantes en médecine à Paris ?]
Non, je n’ai pas eu le temps de faire la
sortie des facultés avec mon long imperméable. D'autre part, je suis un ignare
dans le domaine médical. Que pourrait donc apporter un juriste lettré comme moi
à une poétesse des intérieurs corporels ? Et moi alors, vas-tu me
rétorquer avec l'à-propos que je te connais ? Une perle perdue dans cet
univers barbare je crois.
[Quelle
est ta définition du romantisme ?]
Le romantisme à la XIXe est soit
une mièvrerie nian-nian pour puceau blême, soit une manière d'être pleine
d'attentions, d'intentions séductrices et de charmes diffus. Tout dépend de la
tendance négative ou positive qu'on met dans son analyse.
[Qu’as-tu
comme voiture ?]
Encore une déception de plus pour toi Sandre l'accablée. Je n'ai ni permis ni, a
fortiori, de teuf-teuf ou vroum-vroum, selon le modèle !
[As-tu
une couleur préférée ?]
Cela dépend du support : rouge vif pour
les eaux battantes du cœur, jaune éclatant pour l'astre brûlant, noire pour mes
haillons.
[Dans
quelle boîte as-tu écrit ?]
Comme précisé dans la chronique, la boîte des
Putes à Trous et des Bites
Molles est une des
plus confortables de Lutèce : l'Aquarium. Une belle occasion d'aller
barboter en rythme.
[As-tu
déjà eu des demandes en mariage ?]
Une demande pour passer devant messieurs le
Maire et Notre-Tout-Puissant ? Une seule fois, dans la perspective d'une vie avec Kate. Pour le reste, je n'ai pas fréquenté assez longtemps.
[Que
penses-tu de mon papier à lettres ?]
Ton papier à scribouiller me convient
parfaitement au toucher. Evite tout de même le bleu sur bleu...
[J’ai
rêvé que tu vendais des bouteilles de champagne au noir, ça veut dire quelque chose, à part
que je suis timbrée ?]
Je n'ai pas les qualités de notre feu tonton
Freud pour en tirer quelques lumineuses
interprétations. T'apparaîtrais-je comme un jeune aristocrate en déchéance,
alcoolo et réduit aux escroqueries de seconde zone ? Hé hé, quel
tableau !
[Ton
papa ne pratique plus du tout la psychologie ?]
Plus de manière professionnelle depuis belle
lurette. Mais si tu le souhaites, je peux exceptionnellement t'obtenir un
rendez-vous.
[Pourquoi
les artères divergent-elles partout dans l’organisme, exception faite du
cerveau ? La main de Dieu ?]
C'est toi qui doit tout m'apprendre sur la
divergence des conduits. Je ne pourrais moi t'écrire que des niaiseries comme
présentement.
[Tu es
en train de devenir mon confident, ça c’est ma vision des choses.]
Etre ton confident, chuchotements compris,
m'est, je te le répète, très agréable. Vaste programme que de connaître toutes
tes contrées psychologiques...
[Qu’aimes-tu
bien manger ? Boire ?]
Je suis un gourmand. Hormis les coquillages
et les concombres, j'aime à peu près tout. Pour la cuisine simple et rapide, je
suis très viande crue, poisson cru et salade composée. Pour la boisson, sodas
et eau si je suis tout seul ; vin rouge et Bison flûté (un tiers de vodka à l'herbe de bison, deux
tiers de Coca-Cola et un max. de glaçons) en repas convivial.
[Pourquoi
cette habitude de l’obscénité ? C’est ton rempart ?]
Ce n'est pas moi qui le suit, ce sont les
gens et les situations que je décris. La crasse est le lot de notre civilisation :
je ne vais pas la transcrire avec douceur et doigté.
En revanche, j'ai un amour des mots. Et comme
dirait Heïm : « J’adore
rouler mes contemporains dans le caca. Les mots orduriers ne me font pas peur,
je nourris pour eux une passion stendhalienne. Il en est de bien gluants, de
bien puants, de bien excrémentiels qui définissent excellemment le petit
personnel que je brocarde. »
[Ecris-tu
des lettres d’amour ?]
Peu à mon actif. Plutôt des poésies ou des
textes en prose intégrés à un ensemble plus vaste.
[Ton
affection pour les femmes semble bien relative ; sommes-nous si
exécrables ?]
Je ne suis en aucun cas amer sur la femme en
particulier, mais plutôt sur l'être en général. Une femme, au sens plein du
mot, est pour moi un ravissement sans réserve. Mais combien de temps le sera-t-elle ?
Le meilleur de chacun est souvent à durée très limitée.
[Ne pas
se souvenir de ses rêves a-t-il un sens ?]
Cela me semble surtout un état psychologique
satisfaisant. Pas de tourmente à avoir.
[Les
filles de la nuit lisaient-elles tes textes ?]
Ecrire un texte en boîte suscite, en effet,
la curiosité, notamment des belles jeunes filles. Il m'est parfois arrivé d'en
lire des passages, prétendant que je rédigeais une thèse sur la décontraction
humaine dans les milieux de la nuit. Le plus souvent, les donzelles me
regardaient avec des yeux ronds...
[La loi
du tout ou rien s’applique-t-elle à ta personne ?]
Le tout ou rien comme loi de rapport avec les
gens est peut-être une conséquence de mon caractère passionné. En réalité, je
suis beaucoup plus conciliant que tu ne le penses.
[A quoi
peut bien ressembler ton modèle féminin ?]
Pas de modèle absolu, mais quelques qualités
de base à réunir : féminité, beauté, intelligence, sensibilité, pétillement,
curiosité et sensualité.
[Passes-tu
beaucoup de temps dans ton château ?]
Les séminaires en maîtrise de lettres sont en
effet peu nombreux. D'autant plus pour moi depuis un mois : sur trois
séminaires, l'un s'est achevé à la fin du premier semestre, le deuxième est
interrompu depuis décembre 95 pour cause d'accident cardiaque du professeur
(rétablissement le 1er avril ! mais si !) et le troisième
a lieu le mardi tous les quinze jours. Voilà mon programme. L'essentiel est
dans le travail personnel.
[Karl a lui aussi des parents vivants
et une adoption sentimentale ?]
Oui. Sa mère a été longtemps compagne et
collaboratrice de Heïm. Son géniteur n'a plus de
rapport, en fait n'en n'a jamais eu vraiment.
[Que
penses-tu de l’ivg ?]
Progrès incontestable qui doit être utilisé
avec discernement et un grand sens moral.
[L’écriture
semble une véritable raison d’être chez toi. En vivre est-il ton but ?]
Vivre de mon écriture serait évidemment la
plus merveilleuse des situations, mais je n'y crois guère : mon style et
le contenu ne peuvent pas passionner grand monde. Et faire dans l'écriture
alimentaire n'est pas dans mes cordes...
[Beaucoup
de femmes te laissent-elles l’impression d’un rêve perdu ?]
Vrai que certaines jeunes filles, que je n'ai
pu courtiser, ont rejoint ce que j'appelais « les fosses insondables de
l’irréalisé ». Le lot de toute existence en fait.
[Qu’est-ce
qu’un comportement féminin ?]
Le comportement et la psychologie d'une femme
telle que je l'espère se caractérisent par la combinaison harmonieuse de toutes
les qualités citées précédemment...
[Qui
est Monique ?]
Une collaboratrice
affective de Heïmerth depuis 35 ans.
[Tu
écris ta bio. dans ton journal ou aussi tes impressions au jour le jour ?]
Mon Journal (que je ne tiens pas au jour le jour) a trois
directions essentielles : ma vie personnelle, mes activités
professionnelles et mon humeur sur le monde.
[Etre
mon galant, c’est une bonne blague du cru de crauzien, c’est ça ? Et si je
finissais par être moi aussi maudite ?]
Bon, alors je boude et remballe mon matos.
Maudite, oui, peut-être ce sentiment germe-t-il en moi à ton égard... Laissons
mûrir, hé hé !
Ceci dit, notre conversation a été pour le
moins intense en émotions. Je reste totalement disponible et ton attentif
complice. Bisous chauds.
************
Entre Paris et Au, le 27 mars 1996
Très chère Sandre,
Illuminante révélation et touchante
sensibilité que la tienne. Le style et le fond enfin en symbiose, et moi lecteur
comblé par ce débordement affectif. Mais garde ! Reste à l’affût de mes
propres défauts, car je suis loin du modèle parfait ! Tu as droit à une
limpidité dans ma présentation. Je tends vers le meilleur certes, mon rapport à
l'être s'est considérablement amélioré, mais ma misanthropie reste nichée dans
quelque arcane insoupçonnée.
Pour commencer, l'inaccomplissement de mon
objectif sentimental (une seule jeune fille pour l'existence) m'a rendu très
méfiant, et ce n'est que récemment que je suis à nouveau sensibilisé pour
l'aventure duale.
Notre complicité écrite est bien plus
conséquente que nos affinités orales. La confiance est en cours d'épanouissement,
mais pas de brusquerie. L'élan passionné ne m'a pas toujours réussi.
Tes qualités, ta richesse d'être sont
évidentes, et il ne faudrait pas grand chose pour que je succombe, mais
attendons la rencontre et ses imprévisibles influences.
L'équilibre, jusque là, est difficile à
s'imposer entre l'obsession délirante et le détachement timoré.
Ton courrier est, en tout cas, une belle
preuve de générosité humaine et de ta valeur féminine fondamentale.
J'attends avec délice ta petite musique
épistolaire.
Joyeusement, ton ami.
************
Du fond du
plumard, le 29.03.96, 0h15.
Sandre sans bâillon,
Réconforté par notre conversation de ce soir.
Les émotions se succèdent à toute allure. Une pause dans la complicité
renouvelée. Tendrement et sans cynisme, sans provoc., sans parano, sans
entreprise de démolitions, je te susurre la plus inénarrable des pensées.
[Je
suis une « maudite » potentielle et une « perle perdue » à
la fois, les deux extrêmes.]
Maudite, toi ? Hormis une mauvaise
blague, je ne serai pas l'auteur de la damnation. Le style fait faire les pires
folies.
[Tu
m’as fait une déclaration, toi ? C’était pas le truc du clip-clap,
rassure-moi ?]
Ma déclaration est une constante
sous-jacente dans mes courriers. Tu ne me crois pas aussi piètre nature pour me
limiter à une séance de « ça va - ça vient » (référence à Orange
mécanique ma douce Sandre, même dans l'obscénité je reste culturel, hé !).
Je poursuivrai mes réponses à
l'interrogatoire dans une prochaine missive.
Très gros bisous, charnellement.
************
Château d'Au.,
le 30 mars 96.
Alerte Sandre, celle qui questionne plus vite...
Ravi d'être à mon bureau pour répondre, avec
naturel et efficacité, à l'ensemble de tes interrogations.
[On
peut avoir des amis dans des domaines professionnels différents du sien,
non ?]
Je conçois bien évidemment l'amitié avec des
gens d'univers divers. Ma curiosité est trop exacerbée pour que je me prive du
plaisir d'entrer dans leur domaine. Humour dérisoire, peut-être, ma descente en
flamme du milieu médical.
[Je
suis très étonnée, mais non point déçue, de savoir que tu ne possèdes pas ton
permis de conduire. Tu vas bien te résoudre à le passer, non ?]
J'entrevois la nécessité de passer ce p... de
permis. Mon code, réussi du premier coup, est aujourd'hui périmé. Je m'y
remettrai bientôt, par nécessité et non attrait pour les tacots.
[Confidents,
nous le sommes, même si je le suis plus que toi : au risque de me faire
taxer de désaxée obsédée ? Mais des « chuchotements » : on
a fait ça ? Pur fantasme de ta part ou amnésie de ma part ?]
Je crois volontiers à ton oubli de nos
chuchotements lors d'une conversation tardive. Mais si, mais si ! tu peux
être douce et calme parfois ! (hé !).
[Si le
meilleur de chacun est à durée limitée, je suis programmée jusqu'à quand ?]
Ta programmation sera, je l'espère, ad vitam aeternam, mais quelle
pythonisse (allez, au dico !) peut nous indiquer les impondérables de la
vie ?
[Que
sous-entends-tu par féminité, c’est vague et flou ?]
La féminité est aussi difficile à définir
intellectuellement qu'elle est facile, pour moi, à ressentir dans les premières
secondes de la rencontre d'une jeune fille, jeune femme, etc. C'est la
combinaison de nombreux critères (le comportement, l'intelligence, la
sensibilité, la gestuelle, la parole, le corps, etc.) qui tendent vers une
harmonie, une beauté d'être propre au féminin.
[Ne
fait-il pas froid dans ta région ?]
On s’y caille plus facilement miches et
gonades, j'en conviens. Mais le froid ne m'a jamais vraiment gêné quand un bon
feu crépite.
[Que
mets-tu comme parfum ?]
J'ai eu deux parfums importants :
anciennement Eau sauvage de Ch. Dior, actuellement Eau de Rochas pour homme (un temps aussi M. de Givenchy, je crois...).
[Ne
trouves-tu pas que mon écriture s’améliore ?]
Ton écriture varie selon les supports dont tu
disposes, mais dans l'ensemble tu as droit à un bon point... A moins que je ne
sois en cours de familiarisation.
[As-tu
des ribaudes dans ton château ?]
Parmi ma famille affinitaire, aucune ribaude tu l'imagines. Parmi les employés, je
ne suis pas niché dans leurs antres pour le savoir.
[A quoi
ressemblent tes appartements ?]
Pour l'instant, pas de lieu définitif dans le
château en cours de travaux.
[Que
penses-tu de l’association travail-famille pour une femme ?]
Difficile de répondre par une généralité.
Avant tout, au cas par cas, voir son bonheur. Combien de femmes prétendument
« libres et indépendantes » ne ressemblent qu'à de vieilles guenons
éperdues. Du cas par cas dis-je.
[As-tu
déjà eu le désir d’avoir des enfants ?]
Dans l'absolu, nimbe facile pour philosopher,
oui bien sûr pour les enfants. En réalité, je ne me sens pas du tout prêt, et
je n'ai pas trouvé la mère de ces futurs bambins.
[Que
penses-tu de l’infidélité dans un couple ?]
Cette question se traite à deux niveaux (pour
un homme) : moral et physique. Le premier est une intolérable trahison, le
second ne peut s'envisager que par accord fondamental et initial de sa femme.
Sinon, cela relève du même verdict. A titre personnel, si mon épouse me comble
tous azimuts, je préfère la fidélité réciproque sur tous les plans.
[Pourquoi
trouves-tu que tous les hommes ont des aspects vils ?]
Point de misanthropie particulière pour la
gent masculine, mais il est vrai que les gars,
dès qu'ils sont plus de deux, deviennent souvent sans intérêt, cons de fond...
Mais, là encore, pas trop de généralités. Par goût je préfère la compagnie
féminine.
[As-tu
des fantasmes pervers ?]
A priori, pour l'instant, je n'ai point de
dérives sexuelles qui pourraient consister, par exemple, à te faire mettre nue
sous ta blouse et à te faire violer par les plus repoussants de tes malades, ou
à te déféquer dessus... Non, point pour moi ma délicate Sandre...
[Y
a-t-il des actrices qui te fassent rêver ?]
Quelques actrices m'ont particulièrement
galvanisé. Liste non exhaustive : Ornella Muti avant tout, puis dans le
désordre Béatrice Dalle, Mathilda May, Bo Dérek, Faye Dunaway, etc., Carla Bruni chez les mannequins, Sandre R. chez mes correspondantes...
[As-tu
déjà rêvé de moi ?]
Je ne m'en souviens pas. Il devait être trop
brûlant pour que la décence de mon inconscient le laisse surgir au petit matin.
Bien saisi ton analyse sur notre petit
différend téléphonique. Mûrir, toujours mûrir... hé hé !
Merci de ce que tu es, tendrement.
Merci aussi pour la poésie de cette fille
d'un riche cordier lyonnais [Louise Labé] (voilà pourquoi tu l'as connais mieux que moi, hé hé !).
Impressions dans un prochain courrier... bisous doux.
************
Dimanche 31 mars
3h10. Avancement d’une heure
pour se rapprocher de l’été.
Point d’entrain pour remplir
ces pages.
Synthèse du moment.
Côté cœur : poursuite
de mes correspondances avec Sandre R. et Rachelle M. Petit différend avec Sandre,
vite dissipé. L’une près de Lyon, l’autre à Nice, elles sont toutes les deux
des amies, complices adorables... Et si l’une devenait un peu plus que cela. Je
n’ai rien vécu de sentimentalement important depuis la fin de mon histoire avec
Kate (octobre 1993).
Passage au Salon du livre de Paris mardi dernier (seconde visite)
avec la très séduisante Karine, copine de séminaire de lettres.
Côté pro. : stagnation
des dossiers littéraires. Difficulté pour trouver des subventions afin de les
financer. La faute aux magistrats casseurs de politiques. Chaque élu tremble
maintenant de débourser pour des projets culturels. Dernier homme politique à
avoir fait voter un petit achat d’ouvrages, c’est Alain Carignon lui-même ! Et des maniaques
en toge l’ont fait moisir en prison.
J’envoie des courriers aux
revues d’histoire pour décrocher quelques collaborations. Advienne que pourra.
Poursuite de la mise en
forme de mon mémoire. A-y-est, fini !!!
************
Paris, le 2 avril 1996.
Très chère Sandre,
A mon tour de t'expédier une inspirante carte
[Rembrandt, Le Bon Samaritain], signe d'une nouvelle
venue des cieux.
La semaine s'annonce comme une grande
vadrouille pour visiter coins et recoins de l'Aisne.
Dans l'attente d'être plus prolixe,
tendrement.
************
Château d'Au,
le 3 avril 1996.
Sainte Sandre,
Je te fête ici, avec retard mais intensité.
Très touché par ta petite carte en forme d'écrin poétique. Je vais improviser
ci-dessous quelques vers libres prenant leur souche dans les lettres de ton
prénom :
Saoul dans la fragrance de ta chevelure,
Attisé par l'élégance de ta cambrure,
Noyé d'émotions au rythme des pures
Déclarations, j'effleure le parchemin sans
démesure.
Rire, par ta plume ou par tes cordes, je jure
Ici la jubilation éprouvée par cette sonore
peinture
Née des joyeux émois de ta pétillante nature,
En hommage ici aux accents rares de ton
humaine carrure.
Voilà ma douce, à très vite.
************
Le 5 avril
1996.
Touchante Sandre,
Sitôt arrivé dans notre Big Lutèce, une douceur m'attendait. Ton courrier mérite une longue réponse et
une réciprocité dans la mise à nue de sa sensibilité.
J'espère que les Pâques se sont bien déroulées.
Tendrement.
************
Aut., le 10
avril 1996.
Douce amie Sandre,
Quel plaisir de lire et relire tes multiples
courriers et cartes. Tout cela m'est très précieux. A tel point qu'il ne
faudrait pas bousculer cette magnifique amitié épistolaire par un brusque
changement de nature. Compter l'un sur l'autre, sur sa présence et son
affection intense, sur sa complicité et son pétillement, voilà un objectif rare
que nous atteignons.
[Rêves-tu
de me bâillonner ?]
Grand dieu non ! Ou alors avec une
étoffe de soie. Notre doux rapport me comble amplement.
[La vie
sans voiture serait pour moi impossible. Pourquoi ce retard ? Tu aimes
quoi comme modèle ?]
Jamais eu d'attirance pour ces engins (même
si je reconnais leur praticité) et
j'adore me faire conduire, mais j'y viendrais bientôt. Dans les voitures de
rêve, les Jaguars ont ma préférence.
[Pourquoi
ne te sens-tu pas prêt pour une progéniture ?]
Je ne me sens ni assez mûr psychologiquement,
ni suffisamment arrimé matériellement pour assumer un nouveau-né. Mais tout
dépend aussi de l'antre magnifique qui recevra ma semence... hé hé ! Je ne
me sème plus à tous vents !
[Qu’est-ce
que tu as bien pu lire à ton frère ?]
Petit passage où tu me disais des
gentillesses... mais rien de compromettant sur toi... Ah ! il faut bien
soulager son ego de temps en temps.
[Tu
connais les Cranberries ?]
J'adore les Cranberries... je ne vais pas
tarder à acheter un cd de leur
cru. La femme fait des décrochages
vocaux fabuleux. Nous en avons déjà parlé, alors je ne radote pas...
Toutes tes photos sont précieusement gardées
dans un album perso. Ta petite photo est dans mon portefeuille. Tu es là...
Pour les questions juridiques, je te donne
une première impression : obligation alimentaire entre parents et enfants.
Obligation de délivrer quittance de loyer... Envois moi copie de ton bail. Je
te réponds plus longuement dans une prochaine. Tendrement et gros bisous.
************
Au, le 11 avril 1996.
Touchante Sandre,
Reçu ton courrier petit format mais dense de
contenu.
Comme promis, je t’envoie copie de notre
correspondance de 92. Tu pourras vérifier combien je n’ai pas joué un beau rôle
à la fin.
Par manque de temps, je préfère t’expédier ce
courrier aujourd’hui et répondre aux différentes questions laissées en suspens
une prochaine fois.
Tendres amitiés.
************
Château d’Au.,
le 12/04/96.
Ma Sandre,
Je viens, enfin !, de parcourir les vers
libertins (pour le XVIe
siècle en tout cas) de cette délicieuse et dévergondée Louise Perrin, dite Labé.
Un dommage de taille : comme pour
Montaigne, il conviendrait de moderniser la langue. Que nous importe la forme
ancienne : seules comptent la musique poétique de Louise Labé et les
réflexions de Montaigne. Laisser en l’état, c’est du snobisme, je trouve.
Enfin, je fustige contre les éditeurs, pas contre toi ma douce. Et merci
encore.
N’hésite pas à m’envoyer
toutes les photos de toi en robe, en salopette ou sans rien. Ce sera toujours
un plaisir pour mes mirettes.
Je ne connais pas les
étoffes de chez Kenzo. Si tu as des révélations à me faire, ne te retiens pas un brin. Et je
te garde comme unique cavalière de juillet.
Curieuse, à première vue, ta
peur de me voir, mais je pense te rejoindre sur le fond. Notre échange est tel
qu’il ne faudrait pas le malmener par une entrevue mal assumée. En même temps,
si tes sentiments ne tiennent qu’à ma non concrétisation, n’est-ce pas ton
esprit qui crée l’attachement ? L’idée d’une complicité fraternelle que tu
relances me touche, sœurette adorée ! Et ne t’embête pas à venir à Limoges : je n’en vaux pas la peine... hé hé.
[Es-tu très chocolat ? Tu as eu des cadeaux pour Pâques ?]
Le chocolat est une
éternelle gourmandise : au lait je préfère. Avec du nougat à
l’intérieur : un délice... Je te pique volontiers ta part. Rien eu pour
Pâques, si ce n’est ton adorable œuf non comestible...
[Aimes-tu tes parents ?]
Affection certes pour mes
parents de sang, mais lucidité et conscience de ce qu’ils ont fait de la
famille : un désastre. Jamais ils n’auraient dû se rencontrer... mais je
n’aurais pas été là pour m’en féliciter, hé !
Il est minuit dix-neuf du 12
avril... Mes paupières se ferment d’elles-mêmes.
Je t’embrasse et à très
vite.
************
Le 12/04/96.
Sandre,
Petit complément sérieux sur
le plan juridique :
– Problème d’obligation
alimentaire enfants-parents (ci-joint photocopie Code civil) ® loi + jurisprudence.
– Obligation de délivrer
quittance de loyer par propriétaire : (ci-joint copie de l’article 21 de
la loi du 6 juillet 1989).
Je te conseille pour ce
dernier problème d’envoyer un courrier en recommandé avec ar au propriétaire en réclamant pour
l’avenir que te soit fournie automatiquement une quittance mensuelle du loyer
versé. Faire référence à la loi.
Je suis à ta disposition, ma
douce, pour te rédiger le courrier.
N’hésite jamais à me demander
des renseignements ou à me soumettre tout autre problème.
Ton tendre obligé.
************
[Envoi de
L’ombilic des Limbes d’Antonin Artaud]
A moi de te faire découvrir
ce génial déphasé, détenteur d’une écriture organique, coucheur de pensées pures.
Je ne l’ai connu qu’après avoir écrit ma poésie. Une rencontre littéraire comme avec Bloy et Léautaud.
Bonne lecture tourmentée.
************
Samedi 13 avril
Passages toujours aussi
rares. Je me force à remplir ces pages. A l’origine, j’avais débuté ce Journal pour ne pas perdre le lien avec l’écriture. Il
est en effet le seul genre littéraire (hormis l’épistolaire) qui ne se charge
pas des difficultés de la créativité. La narration de son existence et la
transcription de ses pensées suffisent. L’unité, c’est sa propre vie.
Actuellement, je mobilise ma
plume pour mon mémoire de lettres et pour une correspondance abondante avec une
délicieuse et pétillante jeune fille : Sandre R.
Je dois aller la voir le
week-end prochain.
J’avais eu un bref lien
épistolaire avec elle en 1992, mais interrompu de mon fait au bout de quelques
mois. Mes vœux envoyés pour 1996 ont permis de renouer avec elle. Je ne
manquerai pas le coche une seconde fois.
Evénements familiaux : Line, ancienne épouse de Heïm, a téléphoné à Hermione, agressive envers le château, persécutrice, voulant
« sauver » sa fille. Pitoyable !
Après enquête téléphonique, Heïm apprend de Mme C (ancienne belle-mère) que Alice et son mari se rendent depuis
huit mois chez eux. Heïm avait annoncé ce danger. Explication de tous les
problèmes que nous avons : dernièrement, lettre anonyme envoyée au Crédit
foncier qui a financé l’achat de
l’immeuble sis avenue Roger Salengro à Chaulnes.
************
Château d’Au,
le 15/04/96.
Ma bien-aimée complice,
Je viens d’achever mon déjeuner dans le parc
du château en cette magnifique journée printanière. Les oiseaux chantonnent de
toutes parts autour de moi, quelques croassements plus lointains me rappellent
qu’il faudra trucider quelques corbeaux pour qu’ils nous laissent en
paix ; le soleil me chauffe les bras et la tête.
Ravissement de notre dialogue d’hier au soir.
Fondamental penchant pour toi Sandre, et bonheur immense de venir te voir à la fin de cette semaine. Le
bien que tu me fais par ce que tu es va peut-être faire s’évanouir cette
méfiance qui ronge souvent mon rapport aux autres.
Je reprends tes derniers courriers pour
remplir mon vœu de transparence.
Ta carte des amants enlacés de Klimt constitue-t-elle un appel ?
Elle m’évoque la phagocytose plus ou moins digérée de deux humanoïdes en rut.
Tu apprécieras mon sens de l’art moderne, sans vouloir te choquer.
[Tu es
très mignon quand tu oublies des mots dans ta jolie prose.]
Voudrais-tu me dire où j’ai fait des
cochonneries, hé hé... aurais-je oublié quelques mots dans une de mes correspondances ?
[Je
vais t’offrir un coffret à missives, tu vas en avoir besoin ?]
Je veux bien d’un joli coffret peint par toi,
ma généraliste préférée.
[Tu
trouveras dans cette lettre les poèmes dont je t’avais parlé. C’est ma foi bien
romantique tout ceci. Décalé par rapport au quotidien barbare.]
Merci pour ces jolis vers que je vais
m’empresser d’ingurgiter dès que Chronos m’en laissera le loisir. J’ai au
château une panoplie de poètes à ma disposition, et donc à la tienne. Emets tes
désirs et je m’efforcerais de les réaliser.
[J’ai
eu plein d’œufs en chocolat, je vais devenir une grosse dondon si je les mange
tous. Tu ne veux pas m’aider ?]
Je suis à ta disposition pour dévorer toutes
tes confiseries, y compris ton délicieux berlingot... (oh le cochon vingt
dieu !). (Gros rire gras après une bâfrée de frites...)
[Tu
aimes le foot ?]
A crénom de bordel d’enflure de cacatoès de
sportifs à la noix véreuse ! J’abhorre le foot...
[Comment
s’appellent les chiens du château ?]
Belle la chienne, Théo et Patouf-chien les deux mâles. Moi c’est Loïc,
mâle aussi.
[Connais-tu
Edvard Grieg, Sibelius ? J’oubliais Debussy.]
Je suis très nul en musique classique, mais
je ne demande qu’à apprendre... J’ai une amie à Paris qui est violoniste...
[Connais-tu
Saint-Honorat et Sainte-Marguerite ?]
Elles ne m’ont pas été présentées...
A tout de suite ma Sandre.
************
Du train Paris-Laon, le 23/04/96.
Immanente Sandre,
Bien calé dans la banquette du monstre
d’acier, Sting en rythme dans mes cavités aux trois osselets,
j’active la bille, à défaut de plume.
Week-end de révélations pour moi qui n’ait
pas de tendance mystique. Ta rencontre m’a fait un bien précieux. Tes qualités
fondamentales d’intelligence, de sensibilité, de féminité, de pétillement, de
sensualité prête à se dévoiler, de rigueur fleurant bon l’intégrité naturelle,
m’ont confirmé dans mes présages. Le désespoir constructeur qui t’anime,
attitude typiquement aristocratique, intensifie cette symbiose naissante entre
nous. Je sens tout simplement que tu peux me rendre heureux, utilité essentielle donc de notre
rencontre, au contraire de ce que tu semblais redouter.
A moi de surmonter mes atermoiements et de
modérer les effets d’une quête vaine de l’entéléchie féminine. Ce conflit
intérieur se dissipera, je l’espère, face aux belles perspectives que tu
pourrais m’apporter. Mon besoin charnel de toi sera un des éléments
déterminants, et je devine en toi des potentialités qui n’attendent qu’à
s’épanouir.
A toi, aussi, de me dire sans fard ce que tu
attends et espères de moi.
La douceur enivrante d’une mélodie, la
mélancolie troublante d’instants partagés, et me voilà glissant vers les
songes, bercé par le tangage ferroviaire...
A toi, ma tendre, pour le meilleur.
************
Le 24 avril
1996.
‘tite Muse, Sandre douce,
Un petit présent pour toi en hommage à toutes
les touchantes choses que tu m’as écrites. J’espère que la chute de la dédicace
que je t’ai écrite dans ce recueil ne te choquera pas... C’est une coquinerie
facile, mais une gourmandise de toi bien réelle.
Par manque de temps, je ne peux t’inscrire tout
le bien que tu me fais... mais sache que mes pensées vont intensément vers toi.
Je t’embrasse très tendrement ma douce...
[Dédicace sur un exemplaire de Heïm et les gros niqueurs.]
A toi ma Sandre,
Ce recueil de textes au vitriol, joyeux,
turbulents et incisifs ; Heïm et les
gros niqueurs va à l’encontre du monde des « mollusques » que tu
abhorres...
Très tendrement...
Si j’osais... Ton doux niqueur... avec tout
son amour.
************
Jeudi 25 avril
17h25, Au. Je prends le train de 19h12 à Marle-sur-Serre pour Paris via Laon. Demain, départ pour Limoges où se tient un Salon du livre pendant trois jours. Je retrouverai
Madeleine Chapsal qui a très gentiment accepté de
préfacer un ouvrage de référence sur le Limousin que nous allons rééditer. Nous profitons
de l’importante manifestation culturelle (500 auteurs invités, 100 000
visiteurs attendus) pour lancer la souscription de cet ouvrage.
Les frais des auteurs,
auxquels je suis assimilé, sont pris en charge par la mairie de Limoges (train, hôtel, restauration).
Mon week-end avec Sandre s’est merveilleusement passé.
Découverte d’un petit bout de jeune femme adorable et réunissant les qualités
principales que je recherche chez une demoiselle.
Elle respire l’intelligence,
l’intégrité, la rigueur et le pétillement. Tous ses comportements me sont doux.
Sa sensualité et son épanouissement à venir laissent présager un équilibre
fondamental sur le plan charnel.
Depuis mon retour dans le
nord, ses lettres sont véritablement enflammées. Je crois pouvoir envisager une
relation très sérieuse et très joyeuse avec ma Sandre en braise. Enfin, ce bonheur
dans l’amour, l’aurais-je rencontré ?
************
Train en
partance pour Limoges, le 26 avril 1996
Sandre, mon aimée,
Dans mon gros cartable noir, un dossier
spécial avec les cinq cartes et lettres reçus depuis lundi, et le nécessaire
pour te répondre.
Juste avant mon départ, je trouve dans ma b.a.l. un paquet déjà familier. Merci ma
Sandre adorée pour ce joli livre et
pour sa tendre dédicace. Mes bagages, déjà au complet, n’ont pu l’accueillir,
mais je m’empresserai de découvrir l’histoire de la capitale des Gaules à mon retour.
J’ai donné ta photo prise au château de Blois à reproduire en deux
exemplaires : une à découper pour mon portefeuille, l’autre pour mon
album. Ainsi, entre tes écrits et ta silhouette, tu m’accompagnes à chaque instant.
Sandre ma ravissante, l’alchimie de tes
mots passionnés, la fraîcheur de tes exclamations attentionnées, l’élan sans
ambages de chacune de tes phrases m’emplissent d’un bonheur depuis longtemps
espéré.
Je vais à nouveau m’adonner à l’un de mes
grands plaisirs : répondre à tes multiples interrogations. Dissiper tes
angoisses sous-jacentes est aussi un devoir.
Je voudrais en effet que ce rapprochement
mutuel, où la fusion serait comme un horizon sans cesse renouvelé, dévoile nos
vies, nos tourments, nos pensées, nos saillances
existentielles. Belle Sandre, je te désire dans tout ce qui te constitue, dans tes arcanes les plus
inénarrables, dans les sédimentations de ton âme et de ton passé, dans ton
corps à apprivoiser...
Ne crois pas que je me réduise à l’un de tes
songes. Je suis, chaque jour, plus ancré dans ton existence. Persécuteur, oui,
pour que notre amour se charge des plus enivrantes couleurs. Ces « germes
d’amour », comme tu l’écris, n’ont rien de la pousse éphémère. Prenons exemple
sur les cèdres bleus que nous avons vus ma Sandre, et que les années nous rendent magnifiques.
Mon désir de toi se révèle aussi corporel,
faire exulter tes antres, boire à tous tes calices, te réchauffer par mon corps
et mon fluide... Une correspondance coquine avec toi serait peut-être le moyen
d’entretenir nos brasiers charnels... et le plaisir dualiste doit aussi pouvoir
s’incarner en discours et en écrits. Nous sommes en cours pour être l’un à
l’autre, ne nous refusons pas ce qui est un des éléments importants de notre
lien. La géographie nous distancie, mais nous vivrons nos émotions par ce moyen
de toujours.
Chaque ouverture de tes enveloppes me réserve
un bien supplémentaire, et c’est trois-quatre fois que je lis ta petite musique
épistolaire. Et des mots aux gestes, ta sagesse restera celle de ton intégrité
humaine, de ton sérieux et de ta morale. Nos ébats rimeront avec don de soi.
Je vais profiter de ce week-end du livre pour
me laisser bercer par tes poètes préférés.
[Quelle
est donc cette « quête de l’entéléchie féminine » ?]
C’est la volonté de dénicher la muse de ma
vie, qui m’inspirera au plus haut point dans sa vie, son âme et son corps.
L’existence rabat les recherches d’absolu... Mais peut-être que par toi je
rejoindrais ce point de mire...
[En
quoi ton « besoin charnel » de moi sera-t-il un « élément
déterminant » ?]
Je suis un coquin-né, un gourmand des
plaisirs sensuels et sexuels, et j’ai toujours été obligé de brider mes
instincts : soit que la jeune fille était moins délurée que moi, soit que
je ne la désirais pas assez, soit que le caractère éphémère de la relation
privait de l’essentiel tout rapport. Avec toi, je sens que ces trois points ne
s’interposeront pas et qu’une dimension supérieure embrasera nos enlacements.
Je commence à éprouver une forme d’enchantement.
Ta présence, quelle que soit sa forme (tu peux aussi m’enregistrer des
cassettes de ta voix) est devenue essentielle à l’équilibre de mes jours. Ton
corps reste encore pour moi dans une nébulosité nocturne, mais de ce que j’en
ai goûté j’en suis déjà accroc...
[J’aimerais
te voir souvent, l’attente est difficile. Pourquoi ne résides-tu pas à Lyon ? (Sourire)]
La distance est certes ennuyeuse, mais je
veux que tu achèves tes études. Venir m’installer à Lyon ou toi à Paris, au-delà du bonheur quotidien, ne nous aiderait pas dans les tâches
que nous avons à accomplir. Je sais que tu blaguais, mais je sais aussi que
nous avons tous les deux profondément envie de cette vie commune... J’essaie de
mettre un peu de raison dans tout cela, héhé ! Et la préservation farouche
de ton indépendance ?
[Est-ce
que nos étreintes te manquent ? N’as-tu pas de limites dans les draps de
tes alcôves ? As-tu déjà écrit des lettres d’amour ?]
Oui tes étreintes me manquent, la danse de
tes courbes, le nacre de tes jambes, le velours humide et brûlant de ta bouche
et de ta petite chatte, les petits cris aigus que tu me réserves... Oh, oh là,
on se calme...
Point de limite dans notre alcôve, si ce
n’est celle de nos propres plaisirs... Nous avons tant de choses à découvrir
ensemble... c’est l’œuvre d’une vie. J’espère qu’à la lecture de ces lignes tu
percevras la dissipation de mes incertitudes.
Je n’ai personnellement que peu écrit de
lettres d’amour... Je suis d’instinct plus porté au déconnage ou à la réflexion littéraire... Mais je me sens en
mutation, grâce à toi.
[Seuls
tes tourments intérieurs te font donc peur ?]
Je crois que tu as bien saisi : c’est de
moi que je dois me méfier, et non de toi, mais je connais ma capacité à me
diriger en état de croissance. Si inquiétudes ou doutes il y a, tu en seras la
première informée.
Mon train passe en ce moment à Vierzon. J’espère t’avoir rassuré sur mon penchant et te retrouver dans mes
bras très bientôt.
Je vais reprendre les Mémoires interrompus de François Mitterrand, commencés hier lors de mon voyage de Laon à Paris et fort passionnants. Le
politique n’est vraiment pas dans mon cœur, mais le destin de l’homme, son
amour charnel pour la France et la stature d’homme d’État
qu’il a acquise me réconcilient avec celui que je surnommais dans mes
chroniques, un peu affectivement ma foi, Fanfan mité.
Sur ce, je pense toujours à toi, Sandre, ma bien-aimée. De brûlants baisers.
************
Le 29 avril
1996
[Carte avec le tableau Moisson de Karl François Daubigny]
Sandre braisée,
De retour dans les vieux murs de la
nationale, j’ai à mes côtés ta délicieuse et très jolie carte au nœud rouge.
Sans écrit nouveau de toi depuis vendredi (non inclus) je commençais à être en
manque.
Petit paysage champêtre pour te rappeler nos
déambulations dans la bourgeonnante nature.
Je pense pouvoir venir le vendredi suivant,
le 8 mai.
Baisers goulus.
************
Laon, le 30 avril 1996
[Carte avec le tableau La méridienne (d’après Millet) de Vincent Van Gogh]
Une envie de foin avec toi ma Sandre adorée (pas en deux mots, hé
hé) ? P’têt’ ben. Je retourne au bercail et je vais mettre un coup
d’accélérateur à la rédaction de mon mémoire.
Limoges nous a reçu comme des princes,
mais je me suis senti un peu seul sans ma belle lyonnaise. Une touche de bleu
pour toi, aux antipodes des Vents de
gogues de mes chroniques.
Tendrement.
************
Château d’Au,
le 2 mai 1996.
Ma tendre Sandre,
Après un déjeuner du 1er mai qui
s’est prolongé une dizaine d’heures, je reviens avec des frissons d’amour vers
toi, ma douce.
[Pourquoi
ce nom de poisson, par analogie à Sandre ? Ou pour me tendre une
« perche » : c’est fin comme ma chair !]
J’officialise l’explication que je t’ai
donnée pour le petit nom Sandre. Au-delà de la simple
réduction de ton joli prénom, je faisais allusion par homophonie au chat gris
que tu as recueilli partiellement, le capricieux Cendre. Mais je ne renie en rien ton propre apport à l’exégèse : la
finesse de ta chair et l’excellence des antres valent bien la succulence du
poisson acanthoptérygien. Ceci simplement écrit...
[Tu ne
pourrais pas m’envoyer une jolie copie de toi ?]
J’essaie, dès que possible, de te dénicher
une belle vue panoramique de ma géographie... En espérant que tu n’aies pas le
vertige ma Sandre... Faut bien que j’me fasse
un peu de bien comme je n’ai pas reçu de parchemin sandré aujourd’hui.
[Connaître
quelqu’un à un point x est à mon avis un peu réducteur. Je préfère une vision
d’ensemble, version grand angle.]
Pour ne pas cultiver l’opacité de mon passé,
je te prêterai la tranche de vie consignée dans mon Journal tenu depuis août 1991. Tu m’auras à l’état
brut. Tu découvriras le gâchis exemplaire sur le plan sentimental et professionnel.
Que cela ne t’éloigne pas de moi, car je ne suis plus le même qu’en 1993 et
1994...
[Nos
« brasiers charnels » ont ils besoin d’être entretenus
véritablement ?]
Cet entretien ne doit pas s’envisager comme
un devoir mais comme un plaisir. Nous tendons à être l’un à l’autre, ma
gourmandise sensuelle et sexuelle t’est donc toute entière dédiée...
Je te crois foncièrement saine et équilibrée
lorsque tu es en confiance. Je ne me fais aucun souci pour nous sur le plan de
la communion des corps et des esprits. « Aristocrate dans la vie, salope
dans mon lit » comme dirait Heïm...
[Pourquoi
dit-on Byzance pour l’abondance de quelque
chose ?]
Allusion directe à sa puissance commerçante
après son indépendance (358 av. J.-C. ). Ce n’est qu’en 330 ap. J.-C. qu’elle est intégrée à l’Empire romain
et choisie comme capitale par l’empereur Constantin, d’où Constantinople.
Tu vois que je sais rester sage.
A très vite... toutes mes caresses sur ton
corps, tous mes baisers...
************
Vendredi 3 mai
0h53. Je quitte à l’instant
ma Sandre. Notre rapport est un
enchantement : douceur, complicité... Elle est très sévère sur elle et son
apparence physique. Même...
Pas très inspiré ce soir...
Dimanche 5 mai
Je reprends mon éloge à Sandre. J’ai eu droit à plus de cinquante lettres, depuis la mi-janvier, et
ma rencontre avec Sandre m’a confirmé dans mon penchant pour elle. Un
visage fin et sculptural, un peu sévère, un corps d’adolescente, doux et
enivrant, et une âme de princesse. Je retourne la voir jeudi prochain. J’ai
reçu, sur ma suggestion, deux cassettes de sa voix, ce qui me permet de m’endormir
avec elle... J’espère savoir correctement l’aimer, et ne pas céder à mes
atermoiements habituels.
Le Salon de Limoges s’est
excellemment déroulé. Madeleine toujours aussi affectueuse et
attentive ; Julie S., l’interprète de ses
poésies, aussi complice.
Plusieurs contacts
intéressants : Gonzague Saint-Bris à l’occasion d’un déjeuner au Bœuf rouge, le journaliste et grand
reporter Jacques Derogy présenté par Madeleine, de
grands sourires d’Eve Ruggieri et beaucoup d’autres moins
connus.
Dans le train Limoges-Paris, Louise Longo, femme au destin tragique, s’assoit en face de moi. Bien qu’ayant
perdu en 1994 son ex-mari et sa fille de huit ans en pleine mer, elle garde une
foi admirable en la vie. Nous échangeons nos coordonnées après deux heures de
conversation tous azimuts. Je la sens ému aux larmes lorsque je lui parle de
l’intensité de la correspondance amoureuse que j’entretiens avec Sandre. Ses propres souvenirs catalysent ses émotions. Après Jacqueline Kelen, rencontré dans les mêmes conditions, le train Limoges-Paris me porte
chance.
L’actualité n’emballe pas
vraiment. Rien qui ne mérite une verve au vitriol.
************
Le 6 mai 1996.
La suite de mes déambulations ma tendre
Sandre. [Journal joint]
Oublié de te dire que tu pouvais écrire sur
ces pages toutes les remarques, annotations, questions et réflexions (ou
émotions) qui passent par ton esprit fertile.
A très vite ma Sandre d’amour.
************
De la B.N., le
13/05/96.
Ma Sandre,
Déjà l’absence de ta silhouette m’est
pesante.
Sitôt débarqué à la gare de Lyon, j’ai filé à la Nationale, et me voilà cherchant des localités du
Rhône qui pourraient avoir besoin de
l’exhumation d’un livre sur leur histoire.
Nous allons chacun reprendre nos rythmes
après ces trois jours (et quatre nuits) d’une merveilleuse douceur.
Merci à toi de ce que tu es. De chaudes
pensées et de doux baisers.
************
Paris, le 14 mai 1996.
[Carte postale : photo d’Auguste Renoir dans sa propriété de
Cagnes-sur-Mer, 1915.]
Amour de Sandre,
Renoir comme cordon ombilical de nos
lumineuses figures sensuelles. Il aurait fallu saisir ces saillances fusionnelles
pour tracer comme un horizon charnel.
La beauté d’être et la fraîcheur d’aimer,
voilà ce qui m’incline vers toi.
Older de George Michael berce ma plume.
Ton prétendant.
************
Le 14 mai
1996.
[Carte postale : photo de Louis-Ferdinand Céline à Meudon, 1955.]
Pour toi ma tendre Sandre,
Ce cher docteur Destouches et un charmant minou en pleine
pose.
Avant de reprendre mon train corail à destination de Laon, les échos de ton touchant message faisant encore frémir mes trois
osselets, je t’adresse mes plus déterminés sentiments d’amour, et les baisers
des plus frôlés aux plus voraces.
************
Quelque part
dans un train, le 14 mai 1996.
Ma Sandre,
Plus au calme, je vais pouvoir remplir ces
petits carreaux qui te sont dédiés comme autant de pores ouverts pour mieux te
respirer.
Avant tout, l’actualité musicale :
l’album dernière cuvée de George Michael, Older, est f.a.b.u.l.e.u.x. : la créativité
qui s’en dégage, la profonde harmonie des mélodies, le timbre presque mystique
de son chant, tout cela inspire au plus haut point. Si un soupçon de désir
t’effleure, je peux te faire parvenir un enregistrement sur cassette. Nous
aurons ainsi les mêmes musiques pour nous bercer.
Lu ton courrier qui devait m’arriver avant
mon départ. J’espère qu’après cet enchanteur week-end prolongé tes angoisses se
seront dissipées.
Comme toujours, ta curiosité tous azimuts me
contraint (hé hé) à camper le rôle de l’informateur. Ma plume se fait un peu
appuyer sur la pointe pour laisser s’écouler la noire, mais je me lance.
Une myriade de choses nous restera à faire
lorsque je serai de retour dans ton Lugdunum que je désirerais plus
ensoleillé, même si nous brûlons de l’intérieur : un ciel bleu n’a jamais
fait ombrage aux truculences amoureuses.
Déambuler dans le musée Saint-Pierre à la recherche de quelques-uns
de tes souvenirs, grignoter ensemble bien nichés au coin de l’Orangeraie, s’oxygéner de serre en serre... petit panorama de ce qui nous réunira
bientôt.
[Aimerais-tu
me voir avec mes lentilles, ou cela n’a-t-il pas une grande importance... à tes
yeux ?]
Bien sûr que je préférerais tes yeux sans
obstacle, à nu. Je n’ai pas encore eu ce privilège, hormis lors de nos
communions corporelles. Réserve leur port, si tu ne les supportes pas pendant
de longues durées, lorsque nous sortons, ton charme en sera grandit. Mais tu es
aussi adorable avec tes discrètes rondes...
[Tu
n’as aucune nouvelle de Alice ? Quel âge a-t-elle aujourd’hui ?]
Je n’ai pas de nouvelles précises de dame
Leborgne depuis fin 1994, et je ne m’en
plains nullement. Je sais seulement qu’elle a repris contact depuis quelques
mois avec sa mère Line., ce qui n’est pas le signe
d’un quelconque changement d’attitude. Qu’elle aille au diable, je m’en bas les
gonades. J’ai fait mon autodafé de son souvenir. Elle a dû avoir 31 ans en janvier
1996.
[J’aimerais
bien voir à quoi ressemble ta chambre ; tu connais mon environnement
familier, pas moi.]
Je ne sais si le pied-à-terre parisien vaut
le détour pour y trouver quelques traces de ma personnalité. Ce grand placard fonctionnel n’est pas de
mon cru pour la décoration et l’ameublement, et je n’y ai laissé que le strict
minimum. La plupart de mes affaires sont encore dans des cartons au château.
Dans l’attente d’être plus solidement installé.
Hélène T., ma logeuse, ne voit aucun inconvénient à ce que je t’accueille, même
si elle est présente.
Voudrais-tu m’expliciter sur quels points les
garçons ne te comprenaient pas ? Et pourquoi ai-je moi ces clefs ? La
progression de notre relation est-elle à ton goût ? Où trop
précipitée ?
[La
cassette de la douche t’a amusé et « puis autre chose », c’est quoi
donc ? Cela t’a donné envie de moi ? Juste un peu d’eau suffit ?]
La scène (auditive) de la douche m’a en effet
permis de passer un très bon moment compensatoire
avec un ersatz de ta présence.
[On
aura besoin d’une voiture là-bas, pour se balader ?]
Pour notre voyage à l’île de Ré, je crois qu’il serait préférable de disposer d’un véhicule pour nos
commodités de déplacement. [...]
Voilà le tour des questions de ta dernière
lettre reçue à Paris. Les moments que nous avons
partagés sont intensément survivants dans mes fibres. Je nous présage beaucoup
de douceurs à venir et l’inexorable rapprochement.
Cette correspondance tempère notre séparation
spatiale et enrichit notre découverte réciproque aux bornes inaccessibles.
Je te souffle mes plus fruités baisers
voyageurs. Tendrement tiens.
************
Château d’Au.
le 17 mai 1996.
Ma Sandre,
Très ému par ta carte au coquelicot. Je
t’aime mon bébé, et rien de négatif ne doit germer en toi. Je suis aussi là
pour t’aider dans les moments difficiles, même si ma réaction à chaud dramatise
trop.
Point d’ombre pour moi, juste l’envie que ton
combat réussisse.
Je reviens à tes courriers antérieurs
toujours, à mon grand plaisir, truffés d’interrogations.
[Je ne
t’ai pas parlé des détails concernant ma marâtre de mère : une autre fois.]
Je souhaiterais bien, en effet, connaître ces
problèmes : que tu me les révèles au creux de l’oreille ou sur une page.
[J’espère,
à l’avenir, devenir aussi coquine que tu le voudrais.]
Je ne doute en rien de tes capacités à la
coquinerie. C’est moi peut-être qui veut trop tout de suite... J’essaierais de
prendre ton rythme.
[Mad m’a demandé si cela ne t’avait
pas trop perturbé de la voir ? Je ne le pense pas.]
J’ai bien évidemment été très heureux de
rencontrer ta mad. Je comprends ton attachement profond à elle et la fidélité
qui vous lie.
[Trouves-tu
chevaleresque de me laisser rentrer seule chez moi cet été ?]
Ce n’est en effet pas très élégant de
t’abandonner pour le retour de l’île à Lyon... Nous en reparlerons. Peut-être serait-il plus pratique que je
reprenne un train depuis chez toi...
[Allons-nous
nous voir que tous les mois pendant ce couple d’années ? Structure rigide
dans ton esprit ? Comment vais-je juguler mes ardeurs à ton égard, tendre
démon ?]
La fréquence de nos entrevues est pour moi
essentielle à équilibrer. Cela, malheureusement, ne dépend pas simplement de
nos désirs, sinon je serai toujours fourré (en tout bien, tout honneur) chez
toi.
Je t’envoie, comme tu as pu t’en apercevoir,
un assortiment de photos... les grandes ont été prises par Madeleine Chapsal lors de notre visite du château
du Reynou (cf. mon Journal).
[Par
quoi vas-tu remplacer tes séances de spéléo. nocturnes ? (Rires)]
La spéléo. corporelle me manque, en effet,
mais je repense souvent aux mouvements délicieux de ton majeur sur... Une danse
enivrante.
[Penses-tu
que je puisse porter ma capeline noire pour le mariage ?]
Que tu vas être jolie avec... Si en plus tu
avais une petite cape pour femme (dans les beiges)... ce serait un délire.
[Tu as
quoi comme arbres fruitiers dans ton verger ? As-tu un potager ?]
Beaucoup d’arbres fruitiers que nous avons
plantés : chaque arbre donnera une espèce différente de pommes, poires,
abricots, mirabelles, cerises, prunes, etc. L’avenir s’annonce fruité.
Nous avons un potager... avec tout plein de
choses...
[J’ai reçu ta tendre carte. Une nouvelle
douceur.]
Pour la noce de la carte, ce n’est bien
évidemment pas une coïncidence... Rien n’est laissé au hasard ma Sandre...
Je n’ai pas compris de quelle sorte de
virginité tu m’as fait présent. Pourrais-tu éclairer ma lanterne ?
Je t’aime, et pas pour de rire !
Tendresses et baisers.
************
Dimanche 19 mai
Le week-end dernier avec ma
Sandre (du jeudi soir au lundi matin)
s’est divinement déroulé. Un temps de chiottes à Lyon, mais une illumination que de vivre avec elle.
Les jours passant, j’aime
davantage cette jeune femme. Elle est au fond tout ce que j’attendais pour une
symbiose sentimentale : douceur et pétillement, intelligence et
sensualité... Je nous crois bien engagé pour construire ensemble notre avenir.
Oublié d’indiquer la
gentillesse de Madeleine Chapsal qui nous invite, Sandre et moi, à venir cet été dans sa
maison de l’île de Ré. Nous devrions y filer une
semaine après le mariage de Nadette M. les 13 et 14 juillet.
Heïm m’a confié la mise en place et
les contacts à prendre pour une œuvre énorme, en sept volumes, de la fin du XIXe,
sur le Cher : le fameux Buhot de Kersers. Nous devrions, par ailleurs, lancer un magasine mensuel en septembre
prochain intitulé Histoire insolite, tiré entre 10 000 et
30 000 exemplaires et distribué par les nmpp. Je serai chargé des questions juridiques,
des contacts avec le diffuseur, les institutionnels pour la publicité et la rédaction
d’articles.
Ma correspondance avec ma
Sandre d’amour ne se tarit pas.
Témoignage fabuleux de l’intensité de notre relation, malgré la séparation géographique.
Elle vient en fin de semaine
prochaine pour le week-end de Pentecôte. A Lutèce tous les deux, pour le meilleur et pour le sublime.
Rien de passionnant dans les
médias et leur sélection pour l’actualité. A signaler la sclérose à tendance monomaniaque
de Canal +, notamment dans ses
émissions en clair du midi et du soir. Ça devient de plus en plus une chaîne au
service du Pote système : anathèmes prémâchés envers les uns, complaisance
systématique envers les autres, copinage intrinsèque.
************
Train Laon-Paris, le 20/05/96.
Ma Sandre que j’aime,
Ne lésinons pas, le temps passant mon
attachement à toi va croissant. Ma semaine va se tendre vers ce vendredi 23h05
à la gare de Lyon de Paris.
La complicité que nous avons à partager est
sans borne. J’espère que tu ne me tiendras pas rigueur de la petitesse du nid-à-dodo et de son aspect qui n’est
pas aussi impeccable que ton adorable appartement.
Rôle inversé, c’est moi qui te reçois et je
tenterais, si le temps le permet, de te dévoiler les charmes de la capitale. A
quand remonte ta dernière venue à Paris, et vers quoi vont tes préférences pour ce week-end ?
A tout de suite ma douce.
************
Le 21 mai
1996.
Ma Sandre attendue,
Juste avant de choper mon Tchou-Tchou je te griffonne quelques mots.
Touchantes, de plus en plus, tes lettres, je
les découvre avec une gourmandise accrue.
La tradition ne se perdant pas, je calque mes
déambulations épistolaires sur tes inextinguibles interrogations.
[J’étais
mal hier soir, j’ai pris un somnifère pour m’endormir, as-tu dormi toi ?]
Après notre conversation sur tes tracas
médicaux, je n’ai pas été très serein, je dois l’avouer, mais mon sommeil ne
s’est pas perturbé, car notre combat nous unira d’autant plus.
[As-tu
fini de lire ton gros pavé ?]
Je n’ai pas achevé Renoir, l’ayant laissé dans mon nid parisien. Hélène T. ma logeuse, qui s’intéresse à la
peinture, l’a adoré. Je le déguste par petites touches colorées, ce bel ouvrage.
[As-tu
bien avancé ton mémoire ?]
J’ai débuté la rédaction de la deuxième
partie, et j’espère avoir achevé ce brouillon rédactionnel à la fin juin. Je
suis pris également par le lancement d’un mensuel Histoire insolite, dont je te reparlerai.
[As-tu
déniché des trésors enfouis à extraire du passé de Lugdunum ?]
Rien encore cherché sur ton Lugdunum...
[As-tu
lu mon livre-souvenir ?]
A quoi fais-tu allusion ? Serais-je déjà
en liquéfaction neuronale ?
[Tu as
des idées pour la fête des mères ?]
Non point. Pour ma maman, le meilleur des cadeaux
serait qu’elle retrouve un travail...
[Tu as
« massacré » les tampons attenants aux timbres, ça n’a plus de valeur
(sourire). Ce n’est pas grave, c’est gentil de me les avoir envoyé.]
Désolé pour les timbres, je suis un peu
balourd des paluches dans le découpage...
[Merci
pour tes deux cartes même si je préfère, tu t’en doutes, celle de Renoir.]
Céline n’est donc pas dans ton
cœur ? Que t’a-t-il donc fait ?
[Tu
m’imagines en muse posant pour un inspiré du pinceau ?]
Certes tu n’aurais pas été un bon modèle pour
Rubens, mais d’autres apprécient
les lianes félines.
[Tu
engraisses autant tes chats que celui de la photo ? (Rires)]
Nos chats bougent beaucoup et ne s’empâtent
pas...
Désolé ma douce, à 17h30 je dois retrouver
mon train.
Tendrement tiens.
************
Au, le 22 mai 1996.
Sandre ma radieuse,
Je reprends mon questionnaire d’hier laissé
en suspens.
[Pourquoi
as-tu les clefs ? Parce que c’est toi, c’est bête, mais c’est juste. Tu
n’es pas brusque, mais fougueux, grande différence. Tu as su toucher mon
esprit, mon âme, avant de caresser mes courbes. Tu ne privilégies pas l’un au
dépend de l’autre. C’est ça la clef : la communion est totale,
s’inscrivant dans une globalité, et rien n’est « amputé ». Il n’y a
pas le côté égoïste, sans écoute, et il y a un prolongement naturel entre la
vie privée et celle de la cité. Tu ne me manifestes pas de l’intérêt que dans
un lit. C’est un vrai partage, échange, et non pas un truc « fun ».
J’admire la façon dont tu veux conduire ta personne vers un but, ta façon de
m’écrire. Tu as la capacité de me troubler que beaucoup n’ont pas. Tu es droit.
Ta parole donnée a de la valeur à mes yeux, alors que beaucoup en usent pour un
oui, ou un non. C’est ce romantisme impétueux, cette fougue amoureuse, ce soin
que tu as de moi, qui forment un tout. Tu ne m’obliges en rien. La transparence
et la franchise dans nos discussions, nos paroles. La légèreté de tes caresses.
Tu ne dissimules pas, tes sentiments sont réels, et ne sont pas un prétexte
pour abuser de moi. Tu ne triches pas. Ce sont toutes ces choses qui font que
je t’aime grandement. Je ne peux te dire, de façon précise, pourquoi j’ai le
sentiment que c’est toi que j’attendais depuis si longtemps... Tu es le
« concentré » de mes rêves depuis l’enfance. Je perçois une noblesse
d’âme en toi mon Loïc. Ce Graal... Tu incarnes un esprit chevaleresque.]
Ton portrait de moi est infiniment touchant.
J’espère démontrer dans les années qui viennent qu’il se justifie. Tu deviens
essentielle ma Sandre, tu reposes mon âme et
vivifies mes sens.
Se surveiller toujours, être à l’affût de sa
propre médiocrité latente, guetter les chouïas d’affadissement pour, d’un coup
salvateur, repartir : tels sont nos devoirs. T’aimer, tel est mon plaisir.
[Le
format des photos n’est pas courant, mais c’est bien. C’est à ton image. Je te
les rends vendredi, d’accord ?]
Les photos sont pour toi ma Sandre. Je demanderai à Madeleine Chapsal de nouveaux tirages des vues panoramiques.
Je possède une très grande photo de moi (prise par Kate) où je trône, tel un corsaire, chemise blanche au vent, devant un
navire... d’Euro-disney. Halte au mégalo !!!
[Tu ne
voudrais pas que nous fassions des photos ?Au lieu d’avoir chacun des
photos de l’autre, avoir une photo de nous. Je préfère le noir et blanc pour
les portraits : le côté intemporel. Là, c’est moi qui va trop vite ?
(Sourire)]
Je serais enchanté de figurer à tes côtés
pour l’éternité en noir et blanc... J’ai une amie photographe qui pourrait nous
prendre. Sinon, as-tu l’idée d’une autre personne pouvant acquitter cette
tâche ?
[Le
week-end prochain je pense que la spéléo va être difficile de réalisation,
non ? (Rires)]
La spéléo chez moi est une chose tout à fait
possible si tu consens à respecter la loi du silence... S’empêcher d'exploser
attise encore plus le plaisir des profondeurs. Rien que d’y penser, j’en salive
ma Sandre.
Pour cet été, hormis notre escapade à l’île
de Ré, je ne sais pas si je pourrais prendre une autre semaine. Ce sera
plutôt des week-ends prolongés. En août nous pourrions aller voir ma grand-mère ensemble.
Sur ce, je t’envoie des myriades de doux bisous.
************
Le 23 mai
1996.
Virevoltante (attention, pas au sens
figuré !) Sandre adorée,
L’auras-tu, ne l’auras-tu pas avant ton
départ ? Seul le Bon et les ptt le savent. Je vais donc m’en tenir à l’intemporalité
de mes sentiments pour toi.
J’ai reçu ce matin ta lettre datée du 20 mai
où se nichent les « extases murmurées ». Tu deviens une divine poétesse
dans tes courriers ma Sandre...
Toujours aussi abondante en questions, je
suis toujours prêt pour y répondre. En avant, plume !
[As-tu
goûté les petits cœurs en pensant à moi ?]
J’ai mangé, oui je l’avoue, quelques petits
cœurs en pensant au tien qui bat avec tant d’élégance... Je fais du Cabrel là, ‘scuse !
[Vendredi
prochain, je pense mettre un tailleur noir avec mes escarpins. Je ne pousserai
pas le vice jusqu'à mettre un p.j.
D’ailleurs, aimes-tu cela ?]
Ta tenue d’arrivée m’a l’air très
appétissante ma foi... Je te promets d’attendre notre arrivée au nid avant de
la goûter.
Les p.j.
comme tu dis... bof, pas vraiment dans mes obsessions. Tu portes très bien le
collant, avec ton corps d’adolescente...
[Quel(s)
genre(s) de sport(s) regardes-tu à la télévision ?]
Pas vraiment très accroc du sport à la
télé... Quand cela m’arrive ce sera plutôt du tennis, de la Formule 1, voire
parfois de la boxe comme tu l’as lu dans mon Journal (test d’attention !).
[Quel a
été le résultat de ta visite chez l’ophtalmo ?]
Résultat pour mes yeux : stable situation,
légère modification pour le gauche et lentille en mauvais état pour la
droite... Stable donc, mais changement global nécessaire.
[Que
dis-tu concernant nos modalités de rencontre ?]
Pour mes proches, je dis la vérité : 1er
temps en 1992, puis reprise de contact en 1996. Pour les accointances je n’en
parle pas...
[Tu
sais que tu es encore plus mignon quand tu as les cheveux ébouriffés ?]
Je ne savais pas que mon charme
s’intensifiait avec le bazar de ma chevelure... Mais oui, ma Sandre, je me décoifferai sauvagement pour toi... dans l’intimité, hé
hé !
[As-tu
réfléchi aux variations « aquariales » ? Je suis sans cesse
effleurée par le désir de toi. Le bâillonnement a-t-il encore des secrets pour
toi, cher ange ?]
Pour nos variations en alcôve réduite, nous
improviserons... Nos talents se conjugueront au poil... Quant au bâillonnement,
heu... nous verrons si tu ne sais pas te tenir (hé !).
[Cette
glace à la poire est un délice... et du Loïc glacé, c’est comment ?]
Glacé, le Loïc a une irrésistible tendance à
devenir de la crème fondue... surtout en brûlant pour toi.
[Pour
le mariage, voudrais-tu que j’ai les cheveux libres, ou attachés comme pour le
gala ? Genre chignon sophistiqué ?]
Je préfère tes cheveux au vent, ma douce,
sauf si la tenue exige une sophistication...
Je file à table... Je t’embrasse et je t’aime
mon enchanteresse...
************
Le 24 mai
1996, 16h30.
Ma Sandre,
Dans quelques heures nous nous retrouverons
réunis, mais quand tu liras cette carte, nos doux et bons moments passés
ensemble ne seront plus qu’un souvenir.
Pour être encore proche de toi à ton retour,
mes plus tendres pensées.
************
Mardi 29 mai
Week-end de la Pentecôte avec ma Sandre d’amour. Un temps de chiottes,
mais une totale symbiose entre nous, et un épanouissement sensuel prometteur. A
Lutèce, nous avons visité notamment les musées d’Orsay et du Louvre.
Le lancement du Buhot de
Kersers sur le Cher se prépare... Il
faut mettre les turbos.
Beau temps au château,
j’achève la rédaction de la deuxième partie de mon mémoire... Je suis confiant
pour ma soutenance...
Reçu aujourd’hui une carte
adorable de Sandre et une lettre de mon ancien professeur de
français (en quatrième et troisième), M. Jean R., aujourd’hui à la retraite dans une petite commune de la Haute-Marne (Doulaincourt), visiblement touché que je reprenne contact avec lui.
Dans l’émission Etat d’urgence de Cavada, consacré au foot et à l’argent, un portrait du joueur Cantona et une synthèse de sa carrière.
Personnage attachant et plein de reliefs. Hommage d’un qui n’a rien à foutre du
monde de la baballe.
************
Au, le 29 mai 1996.
Cher Monsieur,
Très touché par votre réponse, et ravi que vous
vous soyez retiré dans les belles régions de la Haute-Marne et de la Franche-Comté. Cette Haute-Marne a retenu toute mon attention au troisième trimestre
1995 dans le cadre de mes activités éditoriales. Nous avons en effet exhumé le
magnifique ouvrage d’Emile Jolibois (copies de la couverture, du
quatrième et du passage traitant votre commune) préfacé pour l’occasion par le
président de la Société archéologique de Langres. Ce magnifique dictionnaire des communes de près de 550 pages date du
milieu du XIXe s., et il était grand temps que nous lui redonnions
une nouvelle vie.
C’est vrai, je l’avoue, vous êtes le seul
professeur avec qui j’ai eu envie de reprendre contact. Le souvenir de votre
enseignement, l’alliance que vous faisiez entre une curiosité tous azimuts et
une juste sévérité, et surtout les encouragements que vous m’avez faits pour
l’écriture ont forgé ce besoin de vous rendre hommage.
Je joins également à ce courrier
l’introduction et le plan détaillé de mon mémoire de lettres modernes que je
rendrai en septembre. Aviez-vous conservé les textes que je vous avais remis il
y a quelques années (en 1988 je crois) ?
Le sérieux de ce travail universitaire ne
m’enlève pas mon goût pour des textes plus pamphlétaires que je vous enverrai
une prochaine fois.
Au plaisir de vous lire et de vous revoir.
Très amicalement.
************
Le 29 mai
1996.
Ma Sandre d’amour,
Reçu ta carte d’émotions qui m’a beaucoup
touché. Je suis, moi aussi, un peu morose de cet éloignement, mais heureux de
notre attachement.
Je ne pensais pas que tu cachais tes larmes
lorsque nous avons eu le petit stratus... J’en suis désolé... mais comprend ce
que j’ai pu ressentir, même si j’ai tout interprété très mal.
Le temps est bleu et rayonnant... c’est
rageant d’avoir loupé cela.
Je ne te prends pas trop de temps ma douce...
Beaucoup de courage à toi... et plein de baisers, de caresses... et tout ce qui
suit...
A très vite.
************
Au, le 31 mai 1996.
Ma Sandre désirée,
A nouveau bercé par ta petite musique
épistolaire, je suis enchanté. Bientôt, quand tu auras fini tes examens, je
t’apprendrai l’enfer (délicieux) sensuel et coquin que nous pouvons créer par
l’écriture. Ceci rapprochera nos chairs et nos âmes. A l’émotion de tes
douceurs s’ajoutera la passion charnelle dans toute sa folie. J’en salive déjà,
et notre jardin secret s’enrichira de nos exaltations.
Pour être sérieux ma Sandre : ancrage d’une envie et d’un besoin de construire avec toi une
forme de bonheur...
A toi mon amour éloigné.
Fougueusement tiens.
************
Le 3 juin
1996.
Au creux grisant de leur courbure, je goûte à
leur ferme rebondi dont la nature les a dotées. Charnues, oui, nous
pouvons l’inscrire sans excès et sans délire fantasmatique. Certes, elles ne
m’ont pas encore accueilli jusqu’au tréfonds de leur embouchure, mais j’y
parviendrai par l’alliance de la douceur et de la détermination.
La teinte nacrée, la texture de soie chaude,
elles ont la discrétion des vierges contrées et la complicité d’adolescentes
assoiffées.
J’y exerce mes sens exacerbés jusqu'à
l’heureuse perdition : je les mire dans leur frémissement, je les sens
brûlantes sous mes phalanges, j’ois leur enchanteur ballottement, j’inspire la
fragrance de la raie en ébullition et je reprends des saveurs de leur fraîche
rose des vents...
Oui, Sandre, je l’avoue, je les aime !
************
Laon, l’An 96, un 5 juin ensoleillé.
Sandre mienne,
Comme un écho de tes soupirs dans le crâne,
« j’ouïs le feu des orifices » disait une de mes dérives poétiques,
avec d’ailleurs une incorrection verbale.
Nous avons presque aboli les contraintes géographiques
pour satisfaire nos penchants réciproques. Essentiel à moi, Sandre, que tu continues à te confier, à me conseiller, à susciter ce qui
t’enivre, à progresser vers ces instants d’exceptionnelle perdition.
Cette quête d’une symbiose irradiante des
corps et des âmes est en voie, peut-être, de réalisation.
Ces frissons immergents que tu m’évoquais
hier, en nocturne, me reviennent en flopées d’émotions.
Gageons que nous nous serrerons bientôt...
Bon courage pour tes révisions et vœu de réussite.
Tendres désirs d’un fougueux.
************
Château d’Au.,
le 5 juin 1996.
Ma tendre Sandre,
Depuis mon dodo, tes courriers à mes côtés,
je vais m’efforcer de rattraper le retard accumulé. Séance réponses donc...
[J’ai
pensé à toi en allant à la pharmacie. Il existe une espèce d’urgo qui permet de
ne pas ronfler : je n’y crois guère. Tu l’as dit à Karl que j’étais la seule à te
l’avoir fait remarquer ?]
Je serais bruyant du tarin... tu confirmes
les propos de Karl que je ne croyais pas. Mes ribaudes
antérieures étaient soit sourdes, soit hypocrites... C’est tout de même
terrible le concert nocturne en deux narines et trente-deux dents que nous
allons faire.
[Ce
désir de toi est grandissant, terres inconnues. Quand prendrons-nous à nouveau
un bain ensemble ? Quelles sensations éprouve-t-on à faire l’amour dans
l’eau ?]
Je me rebaignerai
volontiers à nouveau avec toi et ta mousse hémorragique... Et pour s’unir,
c’est quand tu veux. Je présume qu’une partie de sfouac-sfouac aquatique doit
amplifier les sfouac-sfouac !!!
Pour le reste, j’attends de le vivre avec toi. Et un soixante-neuf en apnée, ça
te tente ?
[As-tu
rêvé de moi ? Il y avait une table dans ce rêve ? (Rires)]
Pas de souvenir de rêve érotique avec toi.
Pas d’explication à te fournir pour me justifier. En revanche, la proposition
de réaliser une rencontre charnelle sur table reste très sérieuse.
[Me
feras-tu des cajoleries contre ces arbres centenaires : franchir ces ponts
qui mènent au ciel ? Tu sais que tu as un côté sauvage, animal ?
(Sourire)]
Un plombage
contre l’écorce d’un centenaire me semble plus difficile à réaliser, mais on
tentera de se trouver un coin de nature... vierge où se débaucher. Et mon côté
animal que tu décèles entre deux draps pourrait trouver là un terrain
d’épanouissement supérieur.
[On
rentrera dormir chez moi après la soirée à Mépin ?]
Bien sûr, nous retrouverons ton nid... Tu
verras que nous vivrons notre propre noce érotico-sensuelle, voire carrément
pornographique.
[As-tu
mis de nouveaux épisodes à ton Journal ?]
Peu écrit dans mon Journal, peu de temps en fait. Le
peu dont je dispose, je te le consacre par cette correspondance... Mais je
parle un peu de toi tout de même, et en bien évidemment. [...]
[Tu
penseras à m’envoyer des photos de tes petits chatons ?]
J’y pense fortement, mais ce n’est pas moi
qui les possède... J’essaie de les récupérer depuis quelques semaines. Courage
et patience.
[Cela
t’ennuie si Fab est là à Cannes ?]
Si je viens à Cannes, ce qui demeure malheureusement hypothétique, je serais enchanté de
connaître ton cousin. Aucun problème pour moi.
[Crois-tu
que je serais mieux si j’avais moins une silhouette d’adolescente et plus celle
d’une femme ?]
Sur ton corps, tu connais tes défauts, tu
sais ce que j’aime chez la femme, mais tu sais aussi combien je te désire... Je
crois qu’une détermination fondamentale est là pour transcender nos
imperfections réciproques. Je n’ai rien à demander sur ce que tu ne peux pas
changer... Par contre, si je sais que sur un élément particulier tu peux
évoluer, je te le dirais avec beaucoup de tendresse, et pour ton bien. Voilà ma
Sandre aimée. Délicat sujet non ?
[C’est
étrange, tu n’as pas un goût amer.]
Pourquoi le sucré de ma semence te paraît-il
étrange ? N’est-ce pas là encore une espèce d’alchimie que tu réalises par
ton désir et ton amour ?
[Tu te
rends beaucoup maître de tes extases, non ?]
Je le crois, bien que l’instinct conduise une
partie essentielle de mon comportement sexuel. [...]
[Quelle
est cette forme de bonheur dont tu m’as parlé dans ta dernière lettre ?]
Cette idée d’un bonheur à deux ne repose ni sur
la passion, ni même sur l’amour. C’est la volonté fondamentale de deux êtres de
construire quelque chose, avec ou sans enfants, pour accroître une harmonie
faite de concessions, de compromis et surtout d’une moralisation absolue.
[Penses-tu
que ce serait une bonne idée pour moi de changer d’appartement à la rentrée
(pour prendre plus grand) ?]
Difficile de te conseiller. Si des questions
d’économie financière existent, tu as probablement raison. Si cela n’est fondé
que sur la taille, je ne vois pas une utilité pressante... Mais tout cela est
un avis consultatif, comme on dit en droit, qui ne te lie en rien...
[La
maison de ta grand-mère se situe où exactement ?]
Elle réside à Fontès, à une trentaine de kilomètres de Pézénas (ville de
Molière) dans l’Hérault. [...]
[Tu
sais que je n’avais jamais goûté et a fortiori bu la salive de quelqu’un ?
C’est une coutume des amants tu nord ? (Sourire)]
La boisson salivaire est une pure invention
de ma pomme. J’aime ta bouche et j’aime y boire. Jamais je n’avais fait cela
avant. Et toi, aimes-tu cela ?
[Quand
as-tu fait ta mononucléose ?]
En février je crois... à vérifier.
[Loïc,
penses-tu que je devrais pardonner à mes géniteurs ? Que je devrais me
réconcilier avec eux ?]
Je n’ai pas le droit de te conseiller, ça
t’est trop personnel.
[As-tu
déjà mangé de la confiture de roses ? As-tu déjà goûté aux pavés roses de
Reims ?]
Je crois connaître la confiture de roses...
et oui pour les pavés de Reims.
Un peu bâclé la fin, pardonne-moi. Mes bisous
sont néanmoins profonds et intenses.
************
Le 8 juin
1996, depuis un train.
Ma Sandre,
Je suis parti du château la gorge un peu
serrée suite à l’écoute de ton message sur mon répondeur. Alors nous voilà tous
les deux sur le pavé, presque miséreux ! Toi qui ne pouvais imaginer de ne
pas me voir pendant plus d’un mois, te voilà résignée à une absence de soixante
jours, en espérant que nos projets de juillet résistent aux carences
financières...
Non ! ma Sandre, je ne me résous pas à ta non venue le 29 juin prochain. Ce serait une
trop grande déception (peut-être même un chagrin) pour Heïm, d’autant plus s’il en connaissait la raison. Il m’en voudrait
beaucoup. Je te prends donc intégralement à ma charge. Je me débrouillerai.
J’espère que cette nouvelle décision n’était
pas liée à une volonté de mise en parallèle par l’annulation des deux voyages.
Journée radieuse au château, mon bronzage se
fait de plus en plus coloré.
Premier comité de rédaction pour la revue Histoire insolite que nous allons lancer en septembre. Un
travail immense et passionnant nous attend. Je suis plus spécialement chargé
des questions juridiques, de la recherche publicitaire auprès
d’institutionnels, d’agences, etc., de la recherche iconographique, de la
supervision des textes qui doivent être faits (fonction de secrétaire de rédaction)
et bien sûr de la ponte d’un ou plusieurs articles. Tu vois le poids de ma
charge chère Sandre.
Désolé de cette relative froideur à ton
endroit, mais seul un fond de tristesse la justifie.
J’espère que le voile se dissipera vite. Ton
bien-aimé.
************
Paris, le 10 juin 1996.
Ma Sandre à embraser,
Je te griffonne ces lignes depuis les bords
brûlants de la fontaine du Palais-Royal.
Je tenais par la présente à contrebalancer la
teneur de mon dernier courrier quelque peu alarmiste et dramatisant.
Nous retrouver au moins une fois en juin
m’est indispensable pour ne pas sombrer dans une néfaste morosité.
Nos retrouvailles autour de voluptés
verbales, d’abandons aux coquineries (avec le [o] phonétique qui te transporte)
téléphoniques compensent certes notre éloignement, mais la carence de toi
demeure puissante. L’échange de nos fluides, les frissons d’un serrement de tes
reins, mon oreille à l’écoute des secrets de ton nombril, l’inexorable
glissement coordonné dans tes niches charnelles...
Voilà pour l’instinct. Une autre fois pour la
raison. Très tendrement.
************
Depuis un
train capricieux, le 11 juin 1996.
Mon amour de Sandre,
S’il convient de se faire une raison de ce
manque de toi, l’obsession n’en demeure pas moins oppressante. Ma Sandre avec qui je voudrais tout vivre,
tout tenter et qui se fait désirer sans pouvoir assouvir la bête gourmande.
Plus notre harmonie fondamentale sera profonde,
nos accroches mentales inexplicablement bienfaitrices, mieux s’épanouiront nos
communions sensuelles.
Une réflexion à brut : c’est bien la
première fois que je n’appréhende pas une quotidienneté avec une jeune femme,
mais que, au contraire, je l’attends avec une sereine plénitude envisagée.
Que ne m’as-tu pas encore raconté sur toi ma
Sandre, tes angoisses passées et tes espoirs présents ? As-tu avec moi
ces mêmes affinités sur la manière de concevoir une vie à deux que tu sembles
commencer à en avoir dans nos intimités charnelles ?
Dans l’attente insatiable d’ouvrir tes
lettres et tes cuisses, tes feuilles et ta bouche... Baisers d’amour ma Sandre...
************
Le 12/06/96.
Rien que pour ma Sandre
Ma douce envoûtée,
Je sors de la seconde lecture de ton courrier
enflammé. Une véritable jubilation du verbe, du mot, de l’expression bien
amenée. J’en suis encore tout troublé.
Tu es précieuse ma Sandre, et j’espère t’aimer avec une fougue croissante. Avec toutes ces
puissantes images que tu m’as suggérées, je regrette d’autant plus notre
éloignement.
Sandre d’albâtre pour la peau, fauve
pour l’âme, j’espère que nous incarnerons un parangon de dualité sans retenue.
Quelques petites réponses :
[Tu as
ta tenue définitive pour le mariage de Nadette ?]
Pantalon de lin crème, veste noire à acheter
et une chemise à déterminer. Nœud papillon ou cravate... En bref : très
flou.
[J’aimerais
bien me remettre au piano, à la danse, et reprendre mes langues étrangères
(anglais, espagnol). Mais où trouver le temps nécessaire ?]
Une bonne idée de te remettre au piano, une
touche noire par-ci, un carcinome par-là, un accord de blanches de ce côté, une
palpation de l’ampoule rectale de l’autre... Virtuose ma Sandre !!! Hé hé.
[Madeleine
Chapsal est sortie avec un ministre dans le
passé ?]
C’est avec le fondateur de l’Express, Jean-Jacques
Servan-Schreiber que Madeleine a été mariée. Pour
le reste (hormis l’écrivain Roger Nimier) je ne connais pas ses aventures.
Dans l’attente de te retrouver, je t’aime à
distance.
************
Au., le 13
juin 1996.
Courage pour tes
révisions ! ! !
Sandre, ma promise,
A l’heure où je t’écris, une petite boule
d’angoisse doit germer dans ta gorge ma Sandre. Je suis de tout cœur avec toi. Ne dramatise pas trop tout de même.
Dis-toi que tu as largement les capacités intellectuelles pour réussir
brillamment tes deux épreuves. Ce qui n’est que la pure vérité.
Je poursuis mon travail tous azimuts. Ma
rencontre de lundi avec mon directeur de mémoire s’est très bien passée.
Peut-être, dans une semaine, nos
retrouvailles enchanteresses.
Avec mon plus ardent des soutiens... Ai
confiance et merdre ! comme
dirait l’Ubu !
************
Paris, le 15 juin 1996.
Amour de Sandre,
Après les explications torturées, une
instinctive réconciliation par les
ondes téléphoniques. Belle prouesse, hé hé.
Ton courrier, lu en arrivant dans ma
chambrette lutécienne, m’a encore une
fois profondément touché. Je t’espère. Ne surtout pas gâcher nos rapports est ma
hantise. Je connais mes vieux démons...
S’interroger est une saine approche des
aspérités de nos relations. T’ouvrir, corps et âme, me réserve de précieuses
découvertes.
Très vite nous allons patauger ensemble dans
les eaux cannoises. J’en frémis de plaisir.
Baisers ardents, pensées obsédantes.
Bonne route vers Cannes ma Sandre d’amour !
************
Château d’Au.,
le 16 juin 1996.
Ma Sandre d’une vie,
Je sors d’une journée merveilleuse de la fête
des pères. De nombreuses pensées me liaient à toi. Hermione a offert son premier bronze,
très impressionnant. Heïm m’a à nouveau dit son bonheur de te rencontrer
dans 15 jours. Et moi, quelle fabuleuse chose de te voir deux week-ends de
suite... Je te montrerai le parc du château, le village, la ferme et le château
Richard... Aimons nous très très
fort pour compenser cette lancinante absence.
Tes courriers coquins et adorables me sont
d’une précieuse compagnie. Je vais essayer de prendre appui sur certaines de
tes images pour participer à ton feu littéraire.
Moi, « félin doux et
puissant » ? Un équilibre instinctif qui anime mon désir. Investir
ton corps et se laisser envahir par tes élans gourmands.
Ta chevelure et mes mains, mes paumes et tes
mèches font bon ménage. Le parfum qui s’en exhale attise ma sauvagerie
sous-jacente. Mes doigts, des « lutins malicieux » ? Tu fais de
véritables trouvailles poétiques ma Sandre. Je vais devenir jaloux de tes capacités créatrices, hé hé.
Se promener sur tes finesses galbées, sur ton
grain de peau, sur les contours humides de ta vulve frémissante, avaler ton
petit clito gonflé, sentir ton petit cul frétiller sous mes à-coups
libérateurs. Voilà que je fais dans le carrément osé ! J’espère que tu
tiendras le choc. Tu m’inspires que veux-tu... [...]
Appel à ma Sandre, retour à 0h04.
Je reviens tout empli d’intensités...
Inexprimables sensations d’un attachement sur le fil du rasoir.
La suite au prochain courrier ma douce. Je
t’embrasse sans fin.
************
Au, le 18 juin 1996.
Chère Sandre mienne,
Est-ce que Sandrie te plairait davantage
comme petit nom ?
Te voilà libérée de tes épreuves, et nous
voilà au seuil de retrouvailles tant attendues.
La « gaillardise toute païenne »
que tu me prêtes est un sel vivifiant de notre rapport. Le propre de notre intimité
est de ne point bouder une complicité croissante.
Où peut donc se nicher cette « douceur
de mon âme parfumée » ? Je me la brosse à chaque résurgence démoniaque
du satyre puant... hé hé ! Je te laisse le soin de décrypter à ma place.
L’irrésistible conquête de l’empire des sens,
voilà qui peut-être te comblera. A quand nos délires charnels renouvelés quotidiennement ?
Nos « étourdissantes
orgies » ? Tu le ressens vraiment ainsi ? Mais à quoi
ressemblera donc notre total épanouissement ? A une innommable
perdition ?
Les saisons froides de notre amour sont, je
l’espère, très loin, comme un mauvais horizon. Cultivons nos facultés
d’étourdissement mutuel, de régénération chaque fois recommencée, et la voie
sera la bonne.
Pourquoi cette peur d’être une femme galante
sous l’agilité titilleuse de mes
doigts ? Cette réserve, même infime, que tu mets en toute chose, est-ce
ton secret de préservation ?
Nos accroches sont ridicules, en réalité,
comparées aux plaisirs pris et à prendre, à ce bien-être que je ressens à tes
côtés. Ce choix de toi, il est le fruit de la raison plus que de la passion,
mais il est, je crois, plus solide... [...]
A te baiser... les lèvres... ma chatte sandrée.
************
Le 19 juin
1996.
Ma Sandre, cannoise préférée,
Ce petit mot en forme de retour d’émotions de
ta carte au coquelicot rougeoyant.
Notre heure approche. Espérons que les
cumulus ne nous frustreront pas de l’astre chauffant.
Quelle préférence ma Sandre : nos rapprochements entre deux draps, nos barbotages dans la
grande bleue, nos escapades dans les verdoyantes
un chouïa aride de l’arrière-pays ou la simple respiration de nos liqueurs
mélangées ?
Je te laisse à tes songes et je m’imprègne de
ton souvenir. Câlinement.
************
Château d’Au.,
le 19 juin 1996. A 23h08.
Fine Sandre,
Comment va s’opérer notre nouvelle
entrevue ? Pas d’appréhension chez moi bien sûr, mais une certaine
fébrilité : ce n’est que notre quatrième rencontre depuis six mois de
correspondance. Troublante distance entre notre infinie complicité et la rareté
des moments partagés dans notre totalité humaine. Bon, je complique tout...
désolé hé hé !
Comment peut-on doubler l’intensité d’un
instant avec toi ? Je me sens mollement inspiré ce soir, ne trouves-tu
pas ?
23h30. Je viens d’avoir ton message sur mon
répondeur d’avant sommeil. Je n’ai pas pu t’appeler avant, car Karl s’est occupé du disque dur
malade de mon ordinateur. A cette heure avancée, je n’ose pas déranger la Villa Maupassant.
Petite page culturelle pour ma Sandre. Une très jolie citation de Léon Bloy : « La parfaite stupidité de ce jouisseur ithyphallique est
surtout manifestée par des yeux de vache ahurie ou de chien qui pisse. »
Le jouisseur n’est autre que le pondeur de Boule
de suif !!! J’ai eu l’explication des déviances de Maupassant dans le Journal de Léautaud qui rapporte certains de ses
écrits, légèrement allumés, du genre : « Je sens le con. J’ai beau me
laver je sens le con, et quand je marche dans la rue les gens
bandent ! » Citation de tête... si je puis dire.
Heu... pourquoi je te cause de cela...
Serais-je autant en manque ?
Un reportage sur la Une traitant des mères prostituées. L’horreur
absolue, le gâchis des filles plongées dans ce contexte sordide. Témoignages
touchants de jeunes femmes conscientes et terriblement lucides.
Je ne t’ennuie pas plus longtemps ma Sandre pure, et je t’envoie mes plus
attentionnés baisers.
Je volerai bientôt vers toi...
************
Le 21 juin
1996, 6h30, à Laon pour Lutèce.
Ma désirée,
Une dernière fois avant mon envol, ces
quelques tracés d’amour. Comment concentrer en trois jours et trois nuits la
tension sentimentale accumulée ? Tu ne liras cette lettre qu’à la fin de
mon séjour et nous mêlerons nos langues, nos bras et nos corps une heureuse
fois de plus.
Tes adorables courriers reçus cette semaine
m’accompagnent. Je pioche çà et là quelques phrases chantantes comme un baume
agréablement parfumé. (J’ai noté que tes dernières lettres exhalaient une senteur...)
Je vais retrouver les pages quadrillées de
mon brouillon de mémoire. J’attaque la PIIIA3°, « Le sentiment d’une
imposture démocratique ». Sensible sujet n’est-il pas ?
Avant cet exercice intellectuel, je te
souffle mes plus braisés baisers et t’applique d’inondantes caresses.
************
Mardi 25 juin
Du vendredi à lundi, séjour
à Cannes, invité par Sandre et sa mad. Délicieuse ma Sandre, sans
réserve. Je l’emmène au château dimanche prochain. Un bonheur en perspective.
Notre correspondance, toujours aussi fournie, compense l’éloignement.
Le lancement du mensuel Histoire insolite se prépare... Beaucoup de travail passionnant
en perspective, mais des combats rudes à mener pour gagner.
Je finis la rédaction du
brouillon de mon mémoire de lettres.
Pour la fête des pères, Hermione offre à Heïm son premier bronze.
Le Journal inédit de Léon Bloy (édité par l’Âge d’homme) révèle
une image bien décevante de l’écrivain. Peut-être une explication du
« faux bonhomme » employé par Léautaud.
Côté actualité, rien de
transcendant. A noter tout de même l’élection d’un juif de la droite dure pour
mener le destin d’Israël.
Hé hop...
************
Le 25 juin
1996.
Ma coquine exclusive,
Curieux effet de passer en un peu plus d’une
heure de la chaude compagnie de ma Sandre et de l’ensoleillement cannois
aux grisailles humides d’une Lutèce sans attrait.
Quel doux séjour tu m’as offert par ton
infinie gentillesse, tes attentions de tous les instants et cette féminité un
peu sévère qui intensifie nos rapprochements.
Si nous poursuivons cette entente, je vais de
plus en plus désirer une existence quotidienne avec toi. Nous pourrons, je
l’espère, nous battre ensemble pour approcher un bonheur dualiste.
Tout ce qui peut subsister encore d’angoisses
ne vient que de ma propre nature, et je ne doute pas qu’elles s’amenuiseront
irrésistiblement.
A très vite pour te serrer à nouveau.
************
Le 26 juin
1996.
O ma Sandre,
J’ai manqué à mon devoir de répondre aux
questions de tes deux courriers lus dans l’avion qui me menait à tes bras.
Allons-y donc...
[Tu
n’as pas le mal de mer ?]
Je n’ai pas d’expérience suffisamment
profonde pour déterminer si je suis sujet au gerbage... pas dans mon bain en
tout cas.
[Pourquoi,
au fait, « château Richard » ?].
Confirmation que le nom de château Richard tient au
propriétaire qui a édifié ce bâtiment. Karl a trouvé dans une brocante des
cartes postales du début du siècle qui montrent les différents châteaux et le
village au début du siècle. Emotions garanties avec cette plongée dans le
temps.
Hier des Américains (du grand-père à la
petite fille !) ont débarqué en Renault Espace devant le château. Le vieux
monsieur, militaire dans la Royale Air
Force je crois,
avait loué en 1952 le château du vieux Gué (où se trouvent actuellement des
débiles) et avait été reçu par monsieur B. (l’ancien propriétaire de notre
château) à un somptueux dîner. Il n’était pas revenu depuis cette époque et
s’est installé dans l’Etat de Philadelphie.
[Ce
n’est pas là que le personnel de la maison d’édition doit emménager ?]
Les employés prendront place, sitôt les
travaux finis, dans l’ancienne ferme que François Richard vient d’acheter.
[Tu
penses sincèrement que je pourrais habiter sur tes terres ?]
Je crois que tu t’y sentiras très bien ma
Sandre, mais avec toute cette pression familiale, en auras-tu encore
envie ?
[Tu as
peur ou tu redoutes, je ne sais pas le mot juste, que je t’échappe à tout
instant. C’est impossible, je me détruirais. Tu ne comprends donc pas que tu es
la clé de voûte de l’édifice sandrien ?]
C’est joli et très agréable d’être l’élément
essentiel de l’architecture sandrienne... Il ne faut pas que je me baisse trop
alors !
[Tu
aimes les pistaches ?]
J’adore autant que les noix de cajou que je
t’ai piqués à la piscine ma Sandre.
[...]
Je repense à nos rapprochements contenus,
pour ne pas exploser, et à ma jolie Sandre, toute fine dans son ensemble crème... jolie Sandre... l’air
aristocratique.
Je t’aime, en pensées et en corps. A très
vite.
************
De mon lit Auois,
le 27 juin 1996.
Ma Sandre fragile,
Désolé de mon manque de convivialité au
téléphone, mais j’éprouve une réelle fatigue physique après un travail intense
dans le parc. Pourtant, sans te le dire, j’éprouvais une envie sans norme
raisonnable de te faire une myriade de choses aux dénominations sulfureuses.
[...]
A propos du massage que tu désirais dans ta
lettre des 19-24 juin, une connasse entendue à la radio tenait absolument à ce
que cette activité soit définitivement séparée de la sensualité qu’on y
attache. [...]
Le 29/06/96. A-y-est ma Sandre, je me mets aux courriers à épisodes, suivant tes traces.
Pour une fois, je ne suis pas mécontent de
retrouver la grosse Lutèce, car je vais y dénicher un
adorable bout de Sandre...
Tes angoisses, tes doutes, n’hésite jamais à
m’en faire part ma tendre. Je ne suis pas seulement proche de toi pour te
câliner, mais également pour t’apporter à tout instant le soutien dont tu as
besoin. [...]
Bientôt le mariage de Nadette, puis notre départ, en musique, vers l’Ile de Ré.
Je t’embrasse chastement ma Sandre adorée...
************
Le 4 juillet
1996.
Ma chère Sandre,
J’ai reçu ton épais courrier ce matin. Merci
pour ton attention. Je lirai les petits textes d’amour ce soir.
Je suis sur la pelouse arrière du château,
au-dessus de moi un ciel contrasté, mais à dominante nuageuse. Je viens de
terminer mon repas, avec de particulièrement bonnes petites pommes de terre du
jardin.
Reçu ce matin un fax de Madeleine Chapsal : elle partait pour Ré sous la pluie.
J’ai imprimé ce que j’ai pu taper hier de mon
mémoire, j’en suis à trente-huit pages, sans les notes de renvoi.
De multiples choses à faire tous azimuts.
J’espère que ton retour à Lyon s’est bien passé et que tes
journées ne te semblent pas trop longues.
[...]
Je vais laisser ma peau happer les quelques
rayons qui s’échappent du ciel floconneux, et je m’en retourne au passionnant
labeur.
Je t’embrasse très fort.
************
Le 5 juillet
1996.
Ma Sandre,
Ton courrier du 2 juillet me touche et
provoque des pulsations contenues. Aimons-nous fort, en confiance, en
complicités inventives ; terrassons nos angoisses et libérons nos
instincts. J’attends nos instants charnels avec une gourmandise croissante.
Faisons de notre séjour à l’île de Ré un enchantement de tous les
instants. La grandeur et la coquinerie, pas d’atermoiement ni de réserve...
Hé hé, mais pas non plus de déchaînements en
public...
Douceurs, attentions, grandissement.
A très vite ma Sandre. De grosses étreintes.
************
Le 8 juillet
1996.
Ma Sandre apaisée,
Après cette longue mais nécessaire oralité, je reprends la plume et
t’envoie un ouvrage précieux qui m’est dédicacé : L’Eternel masculin de Jacqueline Kelen. Je dois avouer ne pas l’avoir lu en entier, non par manque de goût,
mais par dispersion dans mon activité.
Après tes appels depuis l’hôpital, je reste
très intrigué par ce que tu souhaites me proposer... de non « olé,
olé ! » comme tu me le précises. [...]
Je ne sais si, par mes exigences, je peux
réellement te rendre heureuse.
La pensée de Han Suyn nous colle bien : deux
solitaires en quête d’une dualité bénéfique.
Ma bouche va à toi ma Sandre brûlante.
************
Le 11 juillet
1996.
Sandre - 1,
A la veille de te retrouver, je me laisse
vagabonder vers nos déjà nombreux souvenirs en commun.
Après un saut à Soissons, pour signature devant notaire d’un acte de vente, je me laisse
transporter vers la Lutèce que je présume un peu vidée de ses
autochtones.
Je ne suis pas parvenu à taper l’intégralité
de mon mémoire avant mon départ, occupé par moult dossiers urgents. Une
quinzaine de pages manuscrites patienteront jusqu'à mon retour.
Ton empressement à vouloir dissiper les
ombres, après une mini-catharsis au téléphone, me touche beaucoup. J’espère que
nous parviendrons à pérenniser notre relation et que mes volontés absolutistes
ne te choqueront pas trop.
Nous avons déjà le charnel de notre côté, ce
n’est pas si mal comme base. En dualité, tu es un délice de femme... Peut-être
est-ce cette recherche légitime de l’indépendance qui entrave l’expression à
d’autres que moi de ce que tu éprouves à mon endroit.
Laissons nos penchants s’épanouir sans se
focaliser trop systématiquement sur les détails perturbateurs.
La capitale se fait bougrement sentir, le décor grisâtre
aux tags avilissants s’impose à mon regard intolérant.
Je niche ici mes plus douces pensées pour toi
ma Sandre...
************
Le 16 juillet
1996.
Ma Sandre,
Comme promis les deux exemplaires du n°2 d’Histoire locale.
L’action reprend tous azimuts. J’espère que
tu retrouveras vite le sommeil.
Je t’embrasse sans retenue.
Et deux photos de moi en prime. Gâtée ma
Sandre !!!
************
Mardi 23 juillet
0h43. De retour au château
après le séjour à l’île de Ré chez Madeleine Chapsal, avec Sandre. Très agréable moment,
découverte d’un lieu paradisiaque.
Sans mes lentilles et avec
quelques bisons pris ce soir avec Heïm, je ne me sens pas très au point pour écrire ici... Abandon du Journal... Très mal. Reprise quand la
clarté pointera...
************
Le 24 juillet
1996.
Ma Sandre,
Loin à nouveau de toi, une morosité
irrépressible m’envahit. J’espère que ce séjour t’a comblé. J’ai passé une
délicieuse semaine en ta compagnie, et les quelques voiles ou discussions un
peu tendues n’ont en rien entamé la tendance charmante de notre rapport.
Un seul regret, ne pas avoir pu m’attabler
pour cause d’incommodités... Mais je n’en serai que plus gourmand la prochaine
fois (décryptage nécessaire ma Sandre).
Quel bilan fais-tu de l’évolution de notre
rapport ? Ton amour va-t-il croissant ou change-t-il de nature ?
A te lire, douce Sandre... Baises fougueuses...
[...]
************
Le 26 juillet 1996,
Ma Sandre attentionnée,
Un paquet par jour de ma
dulcinée, quel plaisir ! Je continue, moi, imperturbable, à te tracer
quelques bêtises sur papier blanc.
L’ouvrage Le Vieux Limoges, dont je me suis occupé,
est très réussi et l’iconographie qui le complète (des cartes postales de la
ville au début du siècle prêtées par un journaliste de La Montagne) est parfaitement reproduite...
Je t’écris tout cela entouré
des ondes musicales de l’harmonieuse Mariah Carey, sandrée pour l’occasion.
Pour le Limoges, gros service de presse à
m’occuper : journaux, radios (je dois donner une interview par téléphone à
Radio-France Limousin) et France 3. Je suis galvanisé et ça compense un peu mon manque charnel de toi, ma
Sandre... Ma veuve poignet a du boulot, ‘de dieu ! écrit-il avec élégance.
Pour Histoire insolite je recherche toujours de l’iconographie. Le
responsable des archives municipales de Rouen a cru à un canular lorsque je
lui ai demandé l‘arrêté municipal sur la réglementation de la circulation des
brouettes ! Un nouveau Lafesse ton ange ? Pourquoi pas...
Ton fondement me manque, c’est déjà un début non ?
Je peine, je peine pour la
correction de mon mémoire... Atla, atla, en revanche j’ai achevé la recherche
des références de pages pour la centaine de citations du père Léautaud.
Je ne sais si le Always be my baby de la Carey donne des ailes à ma plume, mais
je me sens transporté sur la page comme à ces moments uniques, inexplicables où
les idées et l’écriture forment un ballet salutaire pour la création littéraire
et l’avancement intellectuel.
Je te fais partager mon
direct neuronal, et à ce moment précis je fourre langue, sexe et doigt dans tes
antres chaudes et humides ma Sandre.
Un peu sérieux, un peu
coquin, le dosage quotidien pour une forme olympique.
Une grosse médaille en
chocolat pour toi ma douce. Et toutes mes pensées.
************
Samedi 27 juillet
Attentat à Atlanta. Les jeux olympiques sont en deuil. Les médias font un festin de
l’événement.
Ma Sandre m’envoie d’adorables lettres
d’amour. Elle souffre de mon absence.
************
Le 30 juillet 1996,
Sandre à dévorer,
Sitôt fini le gueuleton de
midi, je me mets en place pour te répondre avant que l’on chuchote en direct
des coquineries... Et que l’on se goûte jusqu'à satiété.
[Nous passons plus de temps à s’attendre qu’à vivre...]
Je ne crois pas qu’attendre
l’autre se réduise à une non-vie. Chacun a son avenir à préparer, qui ne peut
se résumer à de l’amour et de l’eau fraîche... Et es-tu certaine qu’une
quotidienneté avec moi te satisferait ?
[Je sais que tu peux me rendre heureuse. A savoir si la réciproque est
vraie, toi qui rêves d’absolu ?]
J’espère que tu sauras me
rendre heureux en comprenant ce qui doit constituer la spécificité d’une femme
et d’un homme dans un couple... Le temps doit être notre critère d’observation.
[Moi, la farouche, tu m’apprivoises. Pourquoi mon amour changerait-il de
nature ? Il est vrai que tes brusqueries verbales sont parfois blessantes.
Ne fais pas question-réponse, on s’égare à ce jeu-là.]
Je suis peut-être un peu
rude dans mes paroles, mais c’est le signe que des choses me heurtent
profondément, et c’est le penchant obligatoire d’un état non « mollusqueux »...
Je n’ai pas le sentiment de
faire les questions-réponses ! Je mords ma Sandre... Comprendras-tu ce que je veux de douceur et d’amour infini,
d’harmonie et de grandissement ?
[Tu ne trouves pas que je me donne bien plus à toi au fil du
temps ?]
Un tendre baiser pour toi.
Tu te donnes merveilleusement à moi ma Sandre, mais ne nous reposons pas sur nos lauriers. Parle-moi, sans
métaphore, de ces « terres vierges » que tu m’as offertes...
[Je t’avais acheté un petit sachet de confiseries avec dedans des
coussins, des quenelles et des roses des sables : as-tu tout aimé ?]
J’ai tout mangé tes confiseries... Ma gourmandise était comme à
l’habitude... avant que je t’ouvre ma Sandre...
[Lafesse est vulgaire, tu ne lui ressembles
pas.]
Lafesse n’est pas vulgaire,
il se sert de la vulgarité sociale peut-être, mais il est incisif, a le sens de
la répartie... Enfin je ne vais pas te faire un panégyrique... [...]
Je t’embrasse ta chatte, ta
bouche et ton cul ma Sandre.
Au plaisir de te baiser...
sans retenue.
************
Le 30 juillet 1996,
Ma douce adorable,
Ta lettre me donne
l’occasion de préciser quelques points :
Tout d’abord, je croyais
t’en avoir déjà parlé mon amoureuse, je ne pourrai jamais me marier à
l’église. Je ne suis pas croyant et la cérémonie à laquelle j’ai assisté lors
du mariage de Nadette m’a confirmé dans ma position de
rejet.
Je ne peux m’entendre
dire : « Vous n’êtes pas deux mais trois dans votre couple »...
ou alors je prends la vierge Marie comme complice surnuméraire, (hé
hé) ! tout gentil que soit le curé.
Certes le mariage civil
n’est qu’un bout de papier, mais l’engagement est avant tout moral et je n’ai
pas besoin des fastes de l’informe Immanence. [...]
Mon plus grand amour pour
toi.
************
Le 6 août 1996
Ma Sandre contrastée,
Nous voilà à nouveau dans
nos contrées respectives. Doux, non, fougueux week-end passé avec, malheureusement,
la fatigue qui a gâché notre dimanche après-midi. J’aurais mieux fait de te
proposer de rester au lit, bien qu’étroit, où nous avons si bien évolué.
L’essentiel est que notre
amour ait pris le dessus, mais, c’est vrai, je ne saisis pas toujours tes
réactions où ta générosité évidente se brésille au moindre coup de barre...
J’espère que nous nous
retrouverons bientôt. Je ne suis pas très prolixe, désolé.
Je t’embrasse ma Sandre.
************
Château d’Au., le 8 août 96.
Ma mignonne,
Merci pour tes deux
ravissantes cartes et leur contenu. A défaut d’une abondance de mots, tu auras
la voix de Mariah Carey pour te bercer.
J’essaierais d’approfondir
les sujets coquins et sérieux qui transparaissent dans tes derniers courriers,
et ceci très bientôt.
Ci-joint aussi la copie de
l’article obtenu.
De tendres et profonds
baisers... avant de nouveaux chevauchements
fantastiques.
************
Château d’Au., le 8 août 96,
Ma Sandre à prendre,
[...] Impossible d’incarner
l’idéal de quelqu’un. Mais il faut tendre à... Tu sais ce que j’attends de ton
amour.
Je ne me sens pas du tout
porté à la destruction et au nihilisme, comme tu le fais dans ton courrier du
31 juillet, noir à se pendre. J’adore mon travail et je ne suis nullement
« accablé » par ce que j’ai à faire.
[Je me sens faible sans toi, ma source lointaine. Une tristesse cette couche
sans toi, mon toit. Mes plus tendres pensées te sont destinées. Prends soin de
mon souvenir. Ta tendre.]
Comment dois-je
« prendre soin » de ton souvenir ma Sandre ? Faut-il que j’établisse un culte ? Hé hé !
En fait, tu es pleine de contradictions :
envie de vivre avec moi, mais tu crains de ne pas être satisfaite... curieux
non ?
La femme doit aimer l’homme
au-delà de tout et ne jamais se mettre en complicité contre lui. Le grandir
dans tout ce que la femme peut offrir. Je ne veux pas d’une mlf.
Tu voudrais que je ne sois
pas dérouté par la mise à nue de ton âme ? Je ne peux tout de même pas
tout prendre sans réagir...
Pourquoi toujours t’afficher
comme un portefaix sacrifié de tes malheurs ?
« Tu incarnais cet
espoir » m’écris-tu : l’imparfait signifie-t-il la perte de tes
illusions ? Je veux que tu rayonnes de bonheur ma Sandre, et les dernières cartes reçues en sont un témoignage. Je ne veux pas
qu’on se suce réciproquement les plaies. Lèche plutôt mon foutre, bois ma
pisse, joyeuse, [...]. C’est bien plus épanouissant non ? On se fera une
entrevue avec rien que du lit... De l’amour, de la boisson et des aliments,
c’est tout... ok ? Quand je viens à Lyon, on ne sort pas... on profite de nos capacités charnelles sans discontinuer...
Mais n’adopte pas la
« légèreté ambiante » à laquelle tu te référais dans ton sombre
courrier.
Si tu étais à Reims, on pourrait se voir toutes les semaines... mais ne pressons pas...
Assure ton avenir et réussis, c’est tout ce qui m’importe.
Ci-joint copie du code civil
pour l’adoption, on en discutera.
Une chaude pénétration pour
toi, ma Sandre.
************
Le 13 août 1996.
Sandre à la pêche,
Ma tendre fruitée, encore
une ravissante carte multicolore pour moi. Gâté je suis. Je persiste moi dans
le noir et blanc. Pour faire pétarader mes phrases dans un embrasement
épistolaire, il me faudrait subtiliser un de ces rares instants où
l’inspiration se mêle à l’encre de ma plume.
[..] Avant que je vienne
faire la fête à ta délicate peau de pêche... Tout mon amour.
************
Le 14 août 1996.
Sandre,
Tu as donc repris ta plume
autodestructrice et, par conséquent, néfaste pour notre rapport. Vue la rudesse
désespérée de tes propos, qui sonnent comme un glas, je me permets moi aussi de
te rudoyer.
Pour résumer ton
courrier : tes sentiments pour moi, ô combien fragiles à ta lecture, ne
résisteront pas à notre éloignement géographique. Notre relation te rend donc
malheureuse et tu es sur la voie de ne plus me désirer sexuellement !
Avoue que tu n’as pas fait dans la dentelle cette fois-ci, et que ton sens de
l’amour est pour le moins curieux.
Quelle est, en fait,
l’unique cause de ta perdition ? Aucun élément objectif, matériel, n’a
changé. Seul le temps passe et ta générosité, ton abnégation sentimentale n’y
résistent pas.
Tu m’as écrit à plusieurs
reprises que c’est moi qui te quitterait, et jamais toi. Tu viens de prouver le
contraire. Ça
n’est pas forcément celui qui prend concrètement l’initiative de la rupture qui
en est véritablement l’auteur.
Reprenons tes dires :
Tu as des doutes sur ma
capacité à te rendre le quotidien heureux et tu souffres de ne pas m’avoir
journellement. Contradiction de taille et manque de confiance en moi, donc pas
d’amour absolu.
Je resterai (ce que je suis
depuis le début, j’en déduis) un « amant épisodique ». Merci pour la
dépréciation : je ne suis pas digne de tes sentiments si je ne suis pas
plus présent.
Toi qui te reconnais dans le
monde moyenâgeux, explique moi comment une belle en cheveux pouvait aimer
intensément et se donner à un chevalier constamment sur les routes ?
L’intégrité, la fidélité et l’entretien de la force de son amour, ça existe
depuis le début des temps.
Tu avoues donc ne pas
pouvoir m’aimer de façon « grandiose » tant que perdurera cette
distance. Là encore, égoïsme sentimental. Moi qui te croyais du monde du désir
et capable d’aimer totalement à distance... Cela constituait pourtant les
données de départ de notre rapport. Tu changes les règles du jeu au gré du
temps qui passe. Ce n’est pas moi qui agresse l’autre, ma Sandre ; ta négativité est atroce.
Tu as perdu tes
« illusions » de concrétisation avec moi : encore une fois, rien
n’a changé depuis le départ et, d’un coup, tu perds tout espoir et je ne mérite
plus ta confiance en l’avenir. Je me demande de quoi sont constitués tes
sentiments. C’est le bonheur de quoi que tu souhaites ?
J’ai la chance de rester une
« préoccupation masculine » avec grosse bite et couilles
poilues ! Quel pied, mais qui sait si, dans trois mois, je ne vais pas
être aussi réduit dans ma sexualité ! Qui sait de quoi tu es capable en
état de détresse absolue...
J’ai d’ailleurs des signes
de ce détachement. Ton amour est tel que tu ne supportes pas d’être une maîtresse
et, pire, tu as l’impression de n’être qu’un objet de sexe !!! Enfin,
soyons sérieux... Tu sais bien qui tu es physiquement Sandre... tu n’as rien du parangon de la sensualité... S’il n’y a que cela
qui nous unit, je peux trouver bien mieux et sans problème. Désolé de ma
cruauté, mais tu m’y obliges dans tes accusations.
Tu me dis d’ailleurs
toi-même que ton inhibition sexuelle est en marche, et encore par le fait de la
distance, ce qui va à l’encontre des lois fondamentales du rapport amoureux
dans l’histoire de l’humanité. La distance a toujours été un amplificateur du
désir lorsqu’elle est cultivée coquinement.
Alors quoi, on se verra tous
les mois pour jouer au bridge ?!!! Si c’est ce qui nous attend, mon
dieu...
Tu ne peux « rayonner
de bonheur », tu ne veux plus rien presser, tu n’es pas heureuse...
Que te dire, si ce n’est que
tu es la seule responsable de cette entreprise de démolitions...
C’est bien dommage que tu
sois si déstructurée.
Je t’embrasse avec chagrin,
espérant que tu te reprennes.
************
Le 19 août 1996.
Ma Sandre adorable,
Tes angelots, nichés dans
leur enveloppe azurée, m’ont délicieusement caressé les tympans de la musique
apprise par tes soins... Bon, je me tire les oreilles, car je me trouve lourd
de la plume.
Heïm est très content de mon
mémoire...
Tu me combles par tes
attentions et je te sens chaque jour un peu plus proche de moi. Nous allons
bientôt fusionner ma Sandre à dévorer.
Tes coquineries me manquent
et toutes tes saveurs me font monter l’eau à la bouche.
Je t’embrasse et t’enlace
au-delà du charnel.
p.s. :
ci-joint autre
copie d’article obtenu pour Limoges.
************
Le 21 août 1996.
Ma bien-aimée,
Je suis un peu fripon, j’en
conviens. [...] Nous avons chacun nos petits trucs pour supporter l’attente de l’autre. [...]
De toute façon, nous sommes
à moins d’une centaine d’heures de nous embrasser, entre tendresse et fougue...
Cela passera vite malheureusement... alors délectons-nous et vivons intensément
chaque parcelle de seconde.
A te serrer, ma Sandre adorée.
************
Le 29 août 1996.
Ma Sandre adorée,
Ma délicieuse, j’ai été
enchanté par ce séjour dont je ne conserve que de bonnes choses. Tu m’as gâté
et tes sentiments me touchent profondément. Je suis un peu indisponible, tout
comme toi, et j’espère que tes épreuves vont bien se passer. Tes deux petites
cartes et ta lettre m’ont fait du bien, tes mots sont comme un baume sur les
rudesses existentielles.
Désolé, je suis un cochon de
la plume et pas très enlevé de style. J’essaierais de t’écrire plus longuement
une prochaine fois. Tentons vraiment de nous aimer sans voile et nous
construirons du solide.
Que t’a appris mon mémoire,
ma douce ?
Au très grand plaisir de te
lire, mes plus douces caresses...
************
Le 3 septembre 1996.
Mon amour mystique,
Quelques échos de tes
baisers et me voilà gonflé à bloc... Demain, dernière action, la plus facile,
avant de savoir si je suis maître ès lettres... Toi, ma Sandre, tu es déjà une doc ès amour...
Courage pour le reste...
Nous voilà en phase pour
l’union, ne reste plus que le passage à l’acte...
[...] Bientôt 27 ans ma
tendre... et renaissance je l’espère.
Mes plus profonds baisers.
************
Jeudi 5 septembre
Vraiment plus le vent en
poupe ce Journal... plutôt devenu un très
épisodique carnet de bord. Manque d’envie, d’entrain ? Probable. La
correspondance entretenue avec ma Sandre et le mémoire de lettres modernes
que je viens de remettre n’ont pas arrangé les choses.
Je soutiens mon travail la
semaine prochaine : en fait simple formalité, petit entretien avec Marc D., mon directeur de mémoire.
Confirmation de la
publication de mon étude à l’oelh. Peut-être l’enverrais-je aussi à quelques
grands éditeurs parisiens.
Toujours au beau fixe avec Sandre qui m’a divinement reçu le
troisième week-end d’août. Arrivé le vendredi soir, Sandre en garde, toutes ses attentions
m’ont touché : mots adorables (jusqu'à un « Welcome my love » et
un gros bisou sur la glace de la salle de bain), petits cadeaux, repas
charmants et table magnifiquement dressée, longs et intenses moments d’amour.
Pas de contestation possible, elle me fait du bien, et je l’aime.
Le 12 septembre, elle aura
27 ans... nous serons liés à distance.
L’actualité n’a vraiment
rien d’emballant. Le nouvel anathème chez Big
Média : la pédophilie suite à un drame en Belgique. Le bien nommé Dutrou auteur de crimes divers :
séquestration, meurtres, pédophilie et... mensonges ! Et l’inspecteur
belge s’appelle : Jean-Marie Boudin !
Eu mon vieux professeur Jean
R. au téléphone. Je lui ai annoncé
qu’il serait l’un des dédicataires de mon ouvrage. Je le sentais ému. Il a
conservé sa vivacité intellectuelle et semble très en accord avec moi sur les
problèmes actuels de la société.
************
Le 5 septembre 1996.
Ma dulcinée d’amour,
Bercé par le rythme
ferroviaire, j’abandonne un instant le Journal de Karl Juliet pour te noircir cette unique
feuille vierge qui m’accompagne.
Vers quelles enivrantes
contrées tu m’as encore emmené ma Sandre, moi l’initiateur de tes folies... Quel bien de te sentir abandonnée à
moi et inflexible aux autres.
J’espère que notre fusion à
distance t’aura dopé pour ton épreuve.
Ton petit panier fleuri aux
vers sandriens m’a beaucoup touché.
Tu es douée ma douce.
Il est parfois terrible de
se laisser chacun dans ses désirs satisfaits à distance. La chair, le souffle,
le parfum, les sucs d’amour à goûter... tout cela permet une dimension sans
égal.
Lions-nous ma Sandre.
************
Le 5 septembre 1996.
Ma Sandre préférée,
Sitôt rentré au château, ma
barquette présente l’abondance de tes attentions : quatre lettres à mon
intention. Tu me gâtes, ma tendre.
Tes angoisses ont déteint
sur moi hier soir. Je n’étais pas jouasse... Je tiens à toi et je me sens un
peu désemparé face à tous tes problèmes.
Ta conception du cadre de
l’union maritale me convient parfaitement. Crois bien que la réussite de notre
dualité ne dépend pas de formalités administratives ou de circonvolutions
religieuses.
Hé hé... tu trouves
« navrantes » certaines de mes pensées, mais oui ma Sandre, je ne recule devant rien pour t’étonner.
Nous sommes dans une
civilisation chrétienne, les influences sont donc normales... Enfin, je ne
m’étendrai pas plus.
Je t’aime bien en femme-fontaine et mes tympans sont tout
émoustillés.
Te dire ma manière de penser
n’est pas chez moi une volonté de te déstabiliser. Je n’y ai aucun intérêt.
Pour le ski, tu as quartier
libre, mais sans moi... Je ne vais pas aller faire le con débutant à mon âge...
Comme si j’apprenais les patins à roulettes.
Je ne fêterai pas mon
anniversaire, donc pas de convenance familiale pour moi... plutôt financière.
Ta carte The Kiss est magnifique, et les mots inscrits me
donnent des envies gloutonnes et possessives... Jamais ne se lasser de nos
réunions charnelles.
Pour les ouvrages
sulfureux : je te conseille La philosophie
dans le boudoir du marquis de Sade. Bien gratiné.
J’aime la tournure coquine
de notre relation. Malgré la distance, l’entretien de nos désirs et pulsions
attise nos rencontres d’une intensité singulière.
Important de poursuivre
notre complicité amoureuse et de reléguer aux oubliettes toute accroche.
Mettons toute la panoplie de
nos envies en action. Raconte moi tout ce que tu as au tréfonds.
Tu es en tout cas de plus en
plus attachante.
13h48. Je stoppe mon poignet
et retourne à mes occupations perverses. [...]
Tendrement dévoreur de
Sandre.
************
Le 7 septembre 1996.
Ô ma Sandre,
Etendue sur ta couche, je me
glisse sous tes draps soyeux. Ton corps brûlant s’ouvre et ta croupe se colle à
mon sexe dressé. L’instinct nous saisit et notre danse charnelle s’effectue
dans un rythme sulfureux.
Ma Sandre [...], mon imagination t’anime
dans toutes les postures.
Sage je suis, sage je reste.
Ô ma sexuellement mienne...
[...]
************
Le 9 septembre 1996.
Ma Coquine,
Alors je ne suis pas assez
déluré pour toi, hé hé. Faut qu’ça mouille, qu’ça jute, qu’ça pisse partout
pour commencer à t’émoustiller.
Toi l’indomptable, te voilà
sulfureuse en diable.
Tes mots me bercent ma
Sandre, et tous tes désirs vont bientôt prendre forme.
Croyons en nous et
construisons. Aime-moi avant tout au-delà de toi, fais-moi passer avant tout
autre chose.
Cet absolu est ma drogue
revigorante.
Gloutonnement tiens.
************
Mardi 10 septembre
0h15. Pour rendre service à
une copine de fac. Je tape un bout de son mémoire sur une facette de l’écriture
de Marguerite Duras. Cet écrivain, que je n’avais jamais lu, me rappelle la sale manie
d’artistes-peintres modernes qui prennent pour une évolution l’enlaidissement
de l’art. L’avilissement de la forme comme du mot... Et moi de même, trop tard,
trop nu...
L’actualité ne retient plus
un brin mon attention. Avec un discours aux ficelles de plus en plus voyantes,
les politiques fatiguent. La couche de poncifs est trop épaisse pour pouvoir
nourrir l’auditoire éclairé.
Ma Sandre au tél. Très doux et coquin
moment. Elle me fait du bien. Je dois la retrouver dans son nid le 19 septembre
au soir. Nous partirons ensemble en voiture pour Fontès.
Je lis, entre autres choses,
le tome I du Journal de Karl Juliet. Beaucoup de choses dans son rapport au monde forment aujourd’hui ma
face cachée, et j’y reste très sensible. Une désespérance égocentrique.
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Le 10 septembre 1996.
Tendre Sandre,
Minuit quarante-huit et je
n’ai pas encore rejoint Morphée.
Je regarde une fois encore
L’Amour et guirlande de fleurs de Carlo Maratta que tu m’as envoyé :
couleurs chaudes d’une nuit en transes...
Notre « dimension
charnelle » s’est encore une fois magnifiquement révélée, malgré les
centaines de kilomètres entre nous. [...]
Grrr... encore en train de
me parler bagnoles... Prends-toi un garagiste ‘de dieu ! (hé hé).
J’ai en effet terriblement
besoin d’une Sandre constructive, transcendante, joyeuse, grandissante.
J’essaierais de t’aider au maximum dans les épreuves que tu rencontreras, mais
accorde moi ta confiance absolue... et ne voyons pas notre avenir en modèle
réduit. Pas de fatalitas qui tienne.
Nous nous entendons
merveilleusement, nous sommes aptes à nous faire jouir mutuellement. Que
désires-tu de plus ? Peut-être une grosse teuf-teuf... Moi qui pensais que mon braquemart te suffirait.
Mes plus pénétrantes pensées
pour toi...
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Le 11 septembre 1996.
Ma Sandre au vingt-sept printemps,
Cette reproduction du
château au début du siècle tout spécialement pour toi.
En hommage à ta gentillesse
et à ton amour.
Tout mon amour pour toi.
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Paris, le 14 septembre 1996.
Ma Sandre à dorloter,
[Savais-tu qu’il y avait une école monastique renommée à Laon au Moyen Age ?]
Tu m’en apprends sur Laon... je présume qu’elle se situait (logiquement) dans le monastère qui
abrite aujourd’hui la bibliothèque : magnifique bâtisse encore imprégnée
de la sérénité requise pour la méditation.
[Tu ne fêtes pas ton anniversaire ? Pas de gâteau, de bougies et de
cadeaux ? C’est toi qui impose ce choix ?]
Je ne le fête pas vraiment.
Enfin, cela dépend des occasions... Je suis un peu en dehors de cela... mais je
reçois toujours des attentions diverses.
[J’ai déjà lu Sade (« Justine ») mais c’est trop sado-maso
(cela va jusqu’au meurtre !) et ça ne m’excite pas du tout, c’est
écoeurant même cette profusion de souffrances.]
Je crois que La philosophie dans le boudoir ne se répand pas trop en hémoglobine. [...]
Je me sens un peu lourd de
la plume ce matin... Je ne vais donc pas m’obstiner à gribouiller des bêtises.
Bientôt nos retrouvailles...
Comme jeudi prochain je serai à Paris pour voir mon directeur de
mémoire, je prendrai un train plus tôt dans la soirée pour nous laisser une
nuit plus longue afin de combler nos appétits.
A te lire et à te prendre.
Voracement.
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Le 15 septembre 1996.
De mon dodo, ma Sandre, ces quelques notes pour me rapprocher de toi.
Suis-je donc si lourd
d’esprit que je n’ai pas décelé les signes qui font de ton amour une primauté
avant tout autre chose ? Pardonne-moi... je n’en doute pas un chouïa...
Disons que ma plume a dérapé.
Je ne veux te témoigner que
mon soutien extrême dans tes soucis divers. T’adoucir au maximum les épreuves
qui t’attendent. Voilà ma Sandre... Comment faire... espérer que la délivrance sera positive. Ce sera
ta renaissance.
Tout mon amour.
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Le 24 septembre 1996.
Ma Sandre,
En partance pour Laon, c’est à moi de te féliciter de vive plume pour ta réussite
estudiantine. Que cela éveille en toi un soupçon de confiance en tes capacités.
Je relis les courriers que
tu m’as adressés la semaine dernière : je suis littéralement bercé par
l’amour que tu y insuffles. Mais je reste perplexe quant au décalage entre le
débordement amoureux qui se manifeste dans tes lettres, dans notre intimité
charnelle, et le comportement parfois presque distant qui modèle certaines périodes
des rares moments partagés. Cela tiendrait-il à un droit de réserve que tu
t’imposes (lequel laisse place parfois à une semi-agressivité en public) ou
est-ce le fait de mon attitude t’apparaîtrait insupportable ? Aucun
reproche dans cette réflexion-interrogation, juste le désir de te mieux cerner
pour mieux t’appréhender.
Je t’embrasse sans retenue.
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Jeudi 26 septembre 1996
Le week-end dernier chez ma
grand-mère, à Fontès, avec Sandre. Présence de mon oncle Jean-Louis et de son amie que je n’avais
pas vus depuis dix ans. Je n’ai décidément rien à faire avec cette famille de
sang. Temps exécrable et atmosphère peu conforme à mes attentes.
Ma grand-mère, très diminuée physiquement, se montre très gentille par rapport à Sandre et moi.
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Le train corail, le 2 octobre 1996.
Ma Sandre,
Je reprends la plume après
quelques jours d’abandon. Notre fâcherie avait-elle un sens ? L’échec de
ma proposition nocturne tendrait à le confirmer. Il ne faut surtout pas que la
morosité gagne notre rapport.
Nous vivons les meilleurs instants
de notre amour, selon la littérature qui aborde ce sujet. L’ivresse de
l’attente, le désir démultiplié, l’absence de tout ternissement quotidien, etc.
Mais peut-être ne dois-je vivre avec toi que des moments de dualité, sans
immersion dans quelque monde que ce soit ? Je ne suis peut-être pas capable
de t’assumer en public. Ton
quant-à-soi restant fort, ta fierté plus puissante que tes sentiments, je ne
peux te demander ce devoir absolu de réserve.
Vrai que tu me manques et
que je souhaite un renouveau perpétuel de notre complicité, comme celle, très
singulière, que nous avions eue pendant quelques semaines en 1992, sans s’être
vus, et sans sentiment avoué ouvertement.
A moi aussi de ne pas
insuffler de la gravité et de noircir des choses bénignes. A toi, ma Sandre, d’être plus généreuse, non pas dans tes attentions à mon égard qui
sont merveilleuses, mais dans le fond. Difficile à expliquer : le propre
d’une femme, pour moi, est de savoir effacer, à certains moments, ses désirs d’exister devant son amour de l’être
choisi.
Un peu confus tout cela,
j’en suis désolé. J’ai hâte de te revoir.
Je t’embrasse partout.
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Le 4 octobre 1996.
Ma Sandre,
Très touché par tes deux
cartes magnifiques. La mélodie de tes sentiments m’enchante. J’espère te retrouver
très vite avec ces douces attentions.
Les photos de Sandre petiote avec son adorable petite
frimousse et ses mignonnes petites culottes : que demander de plus ?
Je me suis mis au bleu [couleur de l’encre utilisée] pour un
temps. Le travail se démultiplie... Je ne me trouve pas très créatif dans mes
courriers. Je vais devoir me secouer un peu si je veux demeurer attractif.
Mes lettres pourraient
également aborder des sujets d’actualité, ce qui remplacerait aisément mon Journal.
Dans l’attente de te serrer,
de gros baisers.
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Le 5 octobre 1996.
Ma Sandre,
Fourbu dans le train qui me
ramène vers la grosse Lutèce, la journée n’a pas traîné. Karl et moi en vadrouille à Laon, Soissons et leurs alentours pour la mise
en place de nos dernières publications : notamment une monumentale Histoire de Soissons, 1176 pages, 348 F...
Demain, visite successive
chez pater-mater pour mes vingt-sept ans... pas de quoi
pavoiser.
Mon attente devrait être
très vite satisfaite. Dans moins d’une semaine nous serons réunis dans mon nid
parisien. Promettons-nous que de bonnes choses. J’essaierais de ne pas oublier
la bouteille de champagne.
Avec le branle-bas de combat
médiatique contre la pédophilie, assimilant d’ailleurs, dans une grande confusion,
l’acte meurtrier et le simple abus sexuel, j’ai fait la semaine dernière un
cauchemar désagréable, ce qui ne m’était pas arrivé depuis belle lurette. Je te
le narrerai de vive voix.
J’ai gardé ton critérium au
fond de mon sac : plus la peine de te le retourner.
Les séminaires de dea reprennent le 21 octobre. Je vais
probablement réunir mes obligations universitaires les mardi et mercredi. Mme
M., qui avait eu à noter mon exposé sur « la critique dramatique de
Maurice Boissard dans l’entre-deux-guerres », n’a été qu’en louanges à mon
égard auprès de Marc D. Je ne vais donc pas hésiter à la faire
profiter cette année encore de mon agréable compagnie, hé hé !
Te voilà devenue la
destinataire presque exclusive de mes gribouillis sur papier, dépassant de loin
mon Journal qui vieillit dans un coin.
J’ai un sentiment de
désintérêt extrême pour l’actualité. Voilà qui ne me poussera pas à reprendre
l’écriture de ce témoin scriptural. Pas d’envolée dans cette société qui hésite
entre léthargie et barbarie. Ce qui se prépare dans les services de Toubon la girouette me fait
frémir : le délit d’opinion renforcé... Voilà peut-être qui vaudrait bien
l’affûtage d’une plume, à défaut d’une lame.
Je pense à toi ma Sandre. Merci de ton attention pour mes élucubrations tardives.
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Le 7 octobre 1996.
Ma Sandre,
Ta venue sera honorée de
tout ce que tu souhaites.
Nous irons au musée du Moyen
Age, mais j’aimerais que tu m’accompagnes samedi après-midi pour l’achat de
vêtements.
Je t’emmènerai au Palet, ou dans un autre
restaurant, samedi soir. Passer de doux moments ensemble.
Mon mémoire devrait
bénéficier d’un tiré-à-part de trois
cents exemplaires au cours du mois.
Te voilà donc rassurée par
ton affectation. Nous pourrons continuer le rythme de nos entrevues.
[Est-ce que la santé de ton papa de cœur est stationnaire ?]
Oui, mais elle reste
dangereusement fragile.
[Penses-tu rompre avec tes parents ?]
Si mes parents acceptent mon
choix d’adoption, pas de rupture... Sinon...
[Viendras-tu me voir, comme tu me l’avais dit au téléphone, le dernier
week-end d’octobre ?]
J’espère... mais rien n’est
sûr.
Tendres pensées.
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Le 9 octobre 1996.
Sandre d’amour,
Quelle douce lettre j’ai
reçu ce matin. Cela me met en appétit pour nos deux jours de réunion.
La cassette de Satie est très agréable. Curieusement,
la musique de ce compositeur me rend mélancolique, alors que les titres
relèvent presque du grotesque. Très bonne idée que tu te remettes au piano.
Mais où vas-tu jouer ? J’ai été moi dégoûté du Conservatoire tout jeune,
mais pas de la musique. Mon oreille musicale améliore ma médiocre dextérité au
piano.
[Me parleras-tu de ton nouveau mémoire ?]
Mon sujet pour l’Ecole
doctorale : Heïm et le pamphlet
depuis 1950. Je suis à ta disposition
pour t’en parler.
En attendant de nous serrer
pour de vrai. Je t’inscris ma voracité.
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Le 18 octobre 1996.
Ma douce attentionnée,
Les abords brumeux du
monstre d’acier lancé vers Lutèce irisent la clarté naissante
d’une aube bleutée. Voilà pour la note poétique.
J’espère que ta villégiature
cannoise, entre grosses gouttes et rayons de belle arrière saison, t’aura
apporté le repos mérité et le ressourcement nécessaire.
Le vil pôple s’est encore cru le centre du monde hier. Ces
masses de grévistes gueulant leurs inconséquentes revendications et remuant
leur puanteur foireuse : double raison de gerber.
Pourquoi l’homme devient-il
sous-merde dans tout mouvement collectif ? Sa nature profonde n’a-t-elle
rien de plus élevé que ces piètres démonstrations d’anéantissement de toute
individualité responsable ?
Désolé de cet écart ma
Sandre, mais la fureur me submerge. A l’impuissance de l’acte, sauf à adopter
les méthodes du flnc, se substitue la violence du verbe.
Comment maintenir en soi un
chouïa de passion dans son rapport au monde si ce n’est en n’éludant pas ses
germes d’indignation ?
Et la magistrature poursuit
son entreprise de démolitions... A quand le premier juge défenestré ?
Je t’embrasse tendrement.
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Le 20 octobre 1996.
Adorable Sandre,
Tu me gâtes. Entre tes très
jolies cartes cannoises et l’eau précieuse de Rochas, mes sens sont comblés.
Mon dimanche automnal
s’achève. Assis sous un noyer du château, la fraîcheur humide de la terre et
des feuilles sous les fesses, j’ai fouillé l’endroit à la recherche des
nourrissants cerneaux.
J’espère pouvoir venir dans
ton nid lyonnais le week-end prochain. Déguster chaque seconde en essayant de
perpétuer l’instant.
Pris par le sommeil, je
t’envoie mes plus tendres pensées.
A nos enlacements.
************
Le 22 octobre 1996.
Ma douce à nuitée,
Sur un coin de table de la
Sorbonne nouvelle, j’entame le défrichage
des émotions nocturnes partagées.
Petite anecdote pour le
sourire : à une place de moi, dans la bibliothèque rayon littérature,
s’est installée une jeune femme qui renifle sacrément des aisselles. L’idée de
la nature sauvage, nasaux ouverts, vient de prendre une nouvelle dimension.
Les tiennes sont à lécher,
celles du jour me soulèvent presque le cœur. Cela me fascine : comment une
demoiselle peut exhaler le vieux bouc de la sorte !
Après ce détour zoologique,
je reviens volontiers vers tes antres parfumés... où la saveur charnelle épouse
l’enfer jouissif... La tension pour œuvre métaphysique éphémère.
Tu ne t’es donc pas encore
révélée dans ta totalité... Si la réserve ne s’ancre pas ad vitam aeternam... je n’en suis pas chagriné.
Les kapos du conformisme
préparent une loi sur le délit d’opinion qui nous aurait privé d’œuvres
essentielles d’un Céline, d’un Rebatet, d’un Drumont... J’enrage de cette involution... Me laissera-t-on au moins accomplir
jusqu’au bout mon travail sur le pamphlet heïmien, l’un des plus éblouissants ?
Je t’enlace ma Sandre.
************
Le 29 octobre 1996.
Ma Sandre,
La tempête ne nous a pas
fait tomber le ciel sur la tête, mais elle poursuit sa danse bruyante dans les
feuillages jaunis.
J’espère que tes douleurs
vont passer... bien vaccinée contre tout. [...]
Nous avons achevé les
derniers préparatifs pour mon livre : index, table des matières... Me
reste le quatrième de couverture.
Je t’embrasse très fort... à
vite.
************
Le 30 octobre 1996.
Ma Sandre,
Ton courrier du 28 m’a paru
bien grave. L’épisode de notre accrochage doit être pour nous l’occasion de se
montrer parfois plus adultes dans notre rapport, et de moins songer à notre
fierté. Stopper avant de se laisser aller à la surenchère.
Je souhaiterais aussi que,
de ton côté, tu comprennes ce que j’attends de toi, dans tes sentiments et ta
générosité. Je préfère que tu exprimes ton chagrin, comme une femme sensible
que tu es, plutôt que tu le convertisses en agressivité froide. Que tu le sois
avec les autres, oui, mais pas avec moi...
Nous avons, en effet, plein
de choses à partager... et j’aimerais te retrouver avec une âme constructrice.
Notre entente doit perdurer... et ne doute pas de tes sentiments, au-delà des
miens.
A t’embrasser.
************
Le 1er novembre 1996.
Ma douce, tendre... (et
moelleuse...)
Revenu au château, le parc
est recouvert d’une épaisse couche de feuilles. Les teintes t’enivreraient.
Ta lettre du 29/10 m’a
touché. Ta capacité d’analyse est sans doute une garantie qu’un gâchis stupide
n’aura pas lieu. Etre à la hauteur de tes rêves, voilà qui doit inspirer ton
action et tes comportements. Je ne doute pas un instant de tes sentiments à mon
égard... j’espère seulement que la forme de ton amour me donnera envie de me
battre, de construire, et n’aura aucune influence néfaste sur mon caractère...
Je souhaite bien évidemment la même chose pour toi.
Je tente, tant que je peux,
de comprendre cette préférence que tu as à cacher tes larmes derrière une
agressivité... Combien nos nuages passagers disparaîtraient plus vite si
j’avais tes yeux à sécher plutôt qu’à réagir à ta froideur apparente.
Cette énergie destructrice risque d’enliser tes désirs fondamentaux. Je
veux bien t’aider de tout mon cœur.
Je viens d’entendre ton
message sombre... curieux. En arrivant, cinq messages de toi : les quatre
premiers attentionnés, le dernier détaché et inquiet... Parce que je t’ai parlé
dans un état de fatigue prononcé ?
Cette allusion à mon tél...
est-ce vraiment sérieux, n’est-ce pas une pique blessante ? Tu ne vas pas
me redire que notre attache dépend de questions financières... ce serait la
plus terrible absurdité... Je n’aurais dû rien évoquer. Ça n’avait pour
objet que d’essayer de réfréner mes ardeurs nocturnes. C’est tout.
Comprends que j’ai à me
battre tous azimuts, que chacun à ses obligations, mais que cela ne doit pas
entacher notre amour.
Je te serre ma Sandre.
************
Le 6 novembre 1996.
Ma Sandre à croquer,
Minuit passé : alors
que tu es blottie dans ton dodo, le sommeil probablement profond, je veille
encore pour te témoigner mon attachement. Apportons-nous que du bien et de la
sérénité de vie.
Ce soir, vu la fin de
l’émission de Delarue consacrée à l’euthanasie. Exemple d’un couple magnifique
qui met fin à ses jours avant que la déchéance de la vieillesse maladive ne
l’atteigne. Que penses-tu de cela, comme médecin ?
Ta chatte chaude me manque
ma Sandre, et ta bouche à mon gland
gonflé m’enivrerait... Petite note du pornographe, hé hé...
Je t’enlace sans retenue...
************
Le 10 novembre 1996.
Ma Sandre,
De retour du Croisic, après quelque six heures d’intense bonheur. Déjeuner au restaurant l’Océan avec Heïm et Vanessa... Un bar en croûte à faire saliver un mort, notamment. Découverte de
quelques coins de la côte sauvage. Vu la grosse maison que Heïm souhaiterait
acquérir... Combien il serait bon que par notre travail cela se concrétise.
Cette côte, avec ses rochers
aux lignes tourmentées, les quelques mouettes ayant survécu au massacre pour
cause de fientes trop nombreuses, ces multiples petits ports plus ou moins
fréquentés, cette couleur transparente (malgré les nuages présents), cet air à
l’iode enivrant (je patouille, je patouille...). Il faudrait que je te fasse
découvrir cela.
Es-tu prête à me suivre dans
mon désir profond de perpétuer l’œuvre de Heïm, de sauvegarder le château, d’intensifier les combats pour que
toujours l’intérêt général (familial) prime sur les égoïsmes individuels ?
Jusqu’où puis-je compter sur tes sentiments, quel est le degré de ton
ralliement à moi ? De profondes interrogations qui dépassent de loin la
simple angoisse d’une fragilité relationnelle.
Suite : le 12 nov.
Ce matin, par hasard, en
discutant avec une jeune fille de mon séminaire de lettres, l’opportunité
d’emménager rue Mouffetard (rue commerciale pavée très
animée) dans deux petites pièces meublées (avec un grand lit) pour 850 F/mois,
charges comprises. Pour ne pas mettre ma logeuse au pied du mur, je lui
verserai fin décembre la moitié du loyer de janvier.
Avantages de ce
ministudio : l’indépendance et le coût. Les inconvénients : au
cinquième sans ascenseur, douche commune avec la voisine (sœur de la jeune
fille) et toilette à la turque commune (mais possibilité d’installer dans un
recoin de l’appart des toilettes chimiques...
Voilà une bonne nouvelle
pour nos entrevues dans la capitale.
A très vite ma Sandre.
************
Le 2 décembre 1996.
Ma Sandre,
Quel enchantement d’entendre
ta voix pétillante, apaisée, aux accents régénérés. Cela m’a changé de ces derniers
jours où l’accumulation de la tension nerveuse et de la fatigue physique et
psychique donnait des envies de se foutre à l’eau.
Lutèce revêt peu à peu ses brillances
de fêtes. Cadeau par Gilles, le mari de ma mère, d’un casque coton-tige d’une qualité
exceptionnelle : circuit turbo V2 (presque de la formule 1),
diaphragme en saphir, écouteurs ergonomiques, fiche stéréo plaquée or. La Rolls
Royce des casques discrets. Une
merveille à l’écoute...
J’aurais un service à te
demander ma Sandre pour les mois qui viennent. Il faudrait que je
consulte des thèses, en rapport avec le pamphlet, soutenues dans des universités
de Lyon. Si je t’en fournis la liste, pourrais-tu me les réserver à la
consultation pour un jour à déterminer, lorsque je serai présent ?
Dans cette attente, je
t’envoie mes plus tendres baisers. A très vite.
************
Le 6 décembre 1996.
Ma Sandre à embrasser,
Je vais donc répondre aux
questions déchiffrées.
Dans ta carte de l’ange à
l’arc point d’interrogation, mais beaucoup de touchantes résolutions.
[Je me sens encore entre deux eaux, te trouvant plus distant avec moi
que je ne le voudrais. Ne peut-on s’aimer tout simplement ?]
Reste à savoir si l’amour
est simple... et si la construction nécessaire à la pérennisation n’est pas
plus mobilisatrice.
[J’ai pensé que voyager ensemble serait peut-être plus agréable que de
rentrer seule de Nantes jusqu'à Lyon, non ?]
C’est en effet plus agréable
de retourner ensemble vers la capitale. J’approuve sans réserve.
[Où allons-nous dormir en Bretagne ?]
Un gîte doit être réservé ou
des chambres d’hôtel, je ne sais plus. Mais ne t’inquiète pas, nous ne
resterons pas faire dodo sous les embruns de la côte sauvage.
[Si seulement nous pouvions nous voir tous les 15 jours. Est-ce vraiment
utopique ?]
Ce serait évidemment
formidable, mais je ne peux te promettre la régularité. Nous avons chacun nos
impondérables. Point positif : je pourrai, à partir de janvier 97, te
recevoir plus facilement.
[Pourrais-tu demander à Madeleine les photos de l’île de Ré ? Je n’ai presque pas de
photos de toi et moi réunis. J’aimerais avoir une petite collection que je regarderais
les soirs de solitude.]
Je lui demanderai les photos
par courrier lorsque je lui enverrai Le
Limousin qu’elle a préfacé.
[...]
[Dis-moi franchement, tu ne souhaites pas vraiment envisager une
réunion ? Venir près de toi te semble trop envahissant ?]
Mais bien sûr que je veux
une réunion, si tu viens à moi. Quand t’ai-je dit le contraire ? Il faudra
bien tester nos sentiments à la quotidienneté d’une vie.
[La sauvage, sauvageonne que je suis n’est pas encore totalement
apprivoisée.]
Et bien j’espère que tes
sentiments n’en sont pas amoindris. [...]
[Ce serait bien d’avoir notre nid à nous. Une jolie demeure et non une
case dans un bloc de béton.]
Je n’ai pas l’intention de
vivre dans une case de béton, mais plutôt dans un château.
[Ne trouves-tu pas que ce format de papier ressemble à celui d’une
ordonnance ?]
Je ne fréquente pas assez
les médecins pour faire le rapprochement.
[Si tu as envie de quelque chose de particulier ce week-end, dis-le moi.]
Je n’ai besoin que de toi,
et de quelque boustifaille.
Viens m’embrasser ma Sandre.
************
Le 9 décembre 1996.
Ma Sandre,
Dans l’attente du thé au
lait et du croissant chaud, je réalise avec un peu d’avance ton rêve : le
tracé de quelques mots. Vais-je réunir suffisamment de ressort pour m’élancer vers
la créativité épistolaire ? Je dois te l’avouer : je me sens plutôt
lourd de la plume... l’effet sans doute de te laisser à regret dans le froid
rejoindre les cacochymes égrotants du Mont doré.
Notre ultime réunion
charnelle de ce matin fut particulièrement enivrante : galvanisés par
l’étreinte matinale et pressés par le temps qui nous manquait. La bonne disposition
des cœurs et des corps intensifia l’irrigation de notre imbrication
libératrice.
Voilà ma Sandre, je vais rejoindre de plus sobres écritures.
A nos doux enlacements.
************
Décembre 1996.
Sandre, ma courageuse,
Je ne sais quoi t’écrire
après tout ce que tu m’as conté, si ce n’est l’intensité de mes pensées pour
toi. Cette société de chiasse a une curieuse manière de récompenser ceux qui
réussissent leurs études. De bien féroces pamphlets seraient à écrire contre
cette merdeuse organisation médicale. Seul point positif : te donner le
sens du combat et démultiplier tes connaissances pratiques.
Je sais que tu vas faire
tout ton possible pour être libre le 24 décembre, mais sache que ce serait
terrible pour moi si tu ne pouvais pas être là.
Espérons donc.
Et de très tendres choses ma
Sandre.
************
Vendredi 13 décembre 1996
Une résurrection ? Je
ne sais. Ce mode d’écriture semble ne plus m’attirer, mais le temps s’écoule
très vite et la correspondance que j’entretiens avec ma Sandre ne suffit pas à jalonner avec
suffisamment de précision mon existence personnelle, estudiantine, professionnelle
et les soubresauts de l’actualité.
Mardi de novembre, attentat
des islamistes à la station Port-Royal du rer parisien. Grosse émotion. Les fêtes de fin
d’année vont-elles être entachées de ces explosions à l’aveugle ? Le plan Vigipirate est immédiatement réactivé.
Parution de L’aristocratisme libertaire chez Léautaud et
Heïm tiré de mon mémoire de lettres modernes. Premier
volume de la collection Etudes
universitaires de France, dix ans après la
publication de mon recueil poétique. Angoissante perspective temporelle.
Argumentaires de présentation
envoyés aux différentes relations tous azimuts, aux universités de France (iep
et ufr de lettres), aux dirigeants
de certains journaux non conformistes, etc.
J’espère que ce tiré-à-part
de trois cent quarante exemplaires ne moisira pas dans des cartons. Edith Silve m’a promis la parution
d’extraits dans plusieurs numéros des Cahiers
Paul Léautaud. Le bulletin célinien devrait y faire allusion, tout comme L’homme nouveau de Renoulet. Marc Laudelout l’a demandé en service de presse pour sa
chronique littéraire dans Polémique, une revue belge.
A l’heure actuelle, commande
de l’ouvrage par : pater, mater, grand-mère, Gérard Lecha, Guy Onfray, Maguy Vautier, J. Renoulet, Renata Lesnik (écrivain d’origine russe,
amie), Sophie B. (amie, violoniste), Isabelle T. (une copine minitelliste), Kate. Ça
fait pas bésief.
Lettre de Jacqueline Kelen (sans commande) qui se porte
bien. Courrier de Christophe D., copain de collège dont je n’avais plus de nouvelles depuis dix ans
(il est marié et professeur de lycée ou collège).
Exemplaire donné
gracieusement aux destinataires de mon épître dédicatoire : Marc D. (pour son courage et sa
bienveillance) que je vois mardi prochain, ma Sandre (pour son attentive tendresse) à
qui je l’ai remis le week-end dernier, et à Jean R., mon vieux professeur de collège en retraite, s’il prend un peu de
temps pour répondre à mon dernier et déjà ancien courrier. Voilà le bilan.
Ma Sandre vit très mal notre éloignement
et les pressions de son internat. Le tableau qu’elle me brosse des relations
professionnelles qu’elle a donne des envies de grands coups de pied dans cette
infecte tanière (une clinique lyonnaise) : une chef de service peau de
vache à qui il faudrait déféquer une grosse chiasse sur la gueule pour qu’elle
cesse ses injustices, ses brimades, etc. ; des médecins se prenant pour le
centre du monde... mon dieu ! s’ils avaient conscience...
Chirac s’est exprimé chez Big Média-TF1. Peu de luminosités
entraînantes dans le discours.
Les socialos n’ont pas
retenu la leçon de 1981, ou tout juste. La nouvelle promesse-paillettes :
la création de 700 000 emplois de jeunes dans l’année de leur arrivée. Il
est bien vite oublié le million de créations promis par Fanfan décomposé, et le fiasco qui a suivi.
On s’acharne à faire reluire
les concepts fondateurs de notre régime, alors qu’il se lézarde de partout, et
que plus aucune perspective ne motive. Une époque est achevée, mais ceux qui en
profitent soufflent sur les braises déclinantes, pour faire croire.
************
Le 13 décembre 1996.
Ma tendre Sandre,
Surtout ne flanche pas ma
douce, nous trouverons une solution pour ne pas rester éloigné l’un de l’autre
pendant encore deux ans.
Le temps m’est compté, tout
comme le tiens, mais je tenais à t’inscrire cette chose et t’envoyer mes plus
tendres pensées.
Comme un soutien. De gros
bisous, et repose-toi.
************
Le 15 décembre 1996.
Ma douce attentionnée,
Quel plaisir de t’entendre
ce soir avec ta chantante voix complice. Que de préparatifs pour ton nid accueillant.
Combien tu es adorable dans tes élans constructeurs.
Te sens-tu prêtes pour une
vie quotidienne avec moi ?
[A quand nos fiançailles, un projet fou ?]
Hé hé, rien de fou, ce
serait une suite logique... Je préférerais un lien puissant entre nous à tout
autre symbole.
Eh bien il ne restait qu’une
seule question, voilà transparence faite.
Lettre un peu courte, je tenterais
plus développée la prochaine fois.
Beaucoup de courage à toi
pour ta semaine. Tendrement.
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Le 16 décembre 1996.
Ma bien-aimée,
Me voilà de nouveau dans un
de ces gros ter rouges
destination Big Lutèce. A nous bientôt Le Croisic, la côte sauvage et, j’espère, de très doux moments à passer et
d’excellentes choses à manger. Il faut que je pense à te lire la carte par tél.
avant la fin de la semaine, car certains mets (les oursins, par exemple)
doivent être commandés à l’avance.
Que t’évoque la perspective
que nous soyons réunis, par exemple, pour la rentrée 97 ? Es-tu prête à
m’accueillir ? Profiter l’un de l’autre au quotidien, et faire défi au
temps. A moi de me battre pour poursuivre mes études, ma collaboration
éditoriale et un travail d’appoint (aux droits d’auteur par exemple). Prendre
et assumer sa vie en totale responsabilité, il est peut-être grand temps à
vingt-sept balais.
Tendrement proche de toi.
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