Prologue


En 1991, lorsque Michel-Georges Micberth alias Heïm (le maudit) se dit atteint par un précoma diabétique, je décide de tenter l’aventure éditoriale avec quelques collaborateurs (notamment Leborgne, Rentrop, Dugant et Déoles). Heïm est pour moi, à l'époque, un père de cœur et, à 21 ans, je me sens prêt à le décharger progressivement des soucis de la gestion quotidienne d’un pool d’édition important (nous monterons jusqu'à un titre nouveau publié chaque jour). Je crois alors profondément, et jusqu'aux œillères cultivées, à cet engagement au côté, et même à l’avant-scène de ce que je considère comme ma famille affinitaire : notamment Vanessa sa jeune épouse, Monique "vieille" (selon le terme de Heïm) maîtresse à domicile, ses filles Alice & Hermione, Karl fils de Sally (ex maîtresse de Heïm tout comme Maddy) adopté de fait par l'anarchiste de droite, patriarche de cette mesnie.

Je poursuis en parallèle des études de droit à la Sorbonne (Paris I) et m’essaye à une relation sentimentale avec Kate après une première tentative platonique et rapidement avortée avec Aurore.

C’est dans ce contexte que je commence à rédiger un journal : besoin de garder un lien avec l’écriture, envie de laisser un témoignage sur les satisfactions et les angoisses d’un jeune gérant, sur l’évolution d’une liaison amoureuse difficile et sur ma vision souvent intolérante du monde qui m’entoure et de l’actualité qui s’impose.

Ce gâchis exemplaire (titre un temps retenu pour le premier tome de ce journal) est avant tout celui d’une prise de responsabilité qui me mène rapidement vers le fiasco. A l’urgence du développement va succéder la priorité d’assumer la ruine des affaires.

Fin 1993-début 1994 commence la période de Purgatoire, à Paris, où mes connaissances juridiques vont me permettre de conduire la liquidation des sociétés et de plaider moult dossiers devant les tribunaux.

L’écriture devient alors un véritable soutien psychothérapique allié à une vie sexuelle débridée après ma rupture avec Kate. Très atteint par cet échec, je ne donne plus de nouvelles à mes père et mère (mes pater-mater comme je les baptise dans une espèce de distance affective) pendant plusieurs mois.

Pour compenser l’isolement que je m’impose, afin d’affronter les soucis qui se multiplient, je cumule les rencontres et me tisse des relations distrayantes et parfois enrichissantes (comme mon amitié avec Madeleine Chapsal).

Ce n’est qu’au début de 1996 qu’une nouvelle histoire sentimentale durable s’amorce. Je reprends contact avec Sandre, étudiante en médecine avec laquelle j’avais brièvement correspondu en 1992. La complicité renaît sans tarder et donnera lieu à un échange épistolaire fourni qui prendra le pas sur un journal délaissé.

Mes courriers devaient donc s'y intégrer prenant la forme, notamment au cours des premiers mois, d’une série de réponses aux questions posées par la dulcinée. Ses interrogations sont reproduites entre crochets et insufflent la tonalité d’un dialogue à cette correspondance. Les sémioticiens pourront noter les signes de ce qui me conduira à une nouvelle rupture après un an de vie de couple dans les environs de Lyon.

Ce Journal est livré à l’état brut. Il ne traduit qu’une vision éminemment partielle et partiale de cette tranche de vie (la vingtaine). La gratuité (voire la facilité) de certains jugements pamphlétaires sur des personnages publics pourra paraître bien présomptueuse au regard du désastre personnel. Le diariste ne s’encombre d’aucune circonvolution et n’opère aucun relativisme comme le permet la perspective des mémoires. L’indignation et le mécontentement sont pris sur le vif, sans souci d’atténuation. L’auto­critique n’est d’ailleurs pas absente et traduit, je crois, une volonté d’honnêteté intellectuelle, même si la subjectivité apparaît souvent outrancière.

L’évolution de l’écriture qui, durant les premières années, cède parfois à une forme de facilité, constitue la meilleure preuve de l’utilité de ce Journal à œillères qui ne se veut détenteur d’aucune vérité, mais qui restera peut-être comme le révélateur de voies sans issue.


Commentaires